Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
THÉÂTRE ANGLAIS.

que l’auteur exprime sur les unités dramatiques, sur Aristote et Euripide, nous n’avons rien à en dire. Il n’est plus permis qu’aux rhéteurs de province de lutter pour les unités au nom du précepteur d’Alexandre. La lecture attentive de la poétique, et surtout des tragiques grecs, prouve clairement que jamais en Grèce, ni les inventeurs, ni les critiques n’ont compris les unités dans le même sens que Scudéry et Le Bossu ; et nous n’avons pas songé un seul instant à chicaner M. Bulwer sur la question des unités. Il se prononce pour l’unité de caractère, et il a théoriquement raison ; mais je crois que les juges compétens préféreront toujours l’Iphigénie d’Euripide, malgré les inconséquences qu’Aristote a signalées dans le caractère de l’héroïne, à la Duchesse de La Vallière, qui, depuis le commencement du premier acte jusqu’à la fin du cinquième, soutient, sans se démentir, son caractère élégiaque.

Le prologue et l’épilogue ne tiennent pas à la pièce, mais ne peuvent cependant être passés sous silence ; car, dans le prologue, l’auteur réclame l’indulgence de l’auditoire en faveur des services législatifs qu’il a rendus aux poètes dramatiques ; dans l’épilogue, le marquis de Montespan parle des voyages aérostatiques du duc de Brunswick, et de l’incertitude des spéculations industrielles : l’argumentation et la satire sont également ridicules. Mais les deux avertissemens qui suivent la préface méritent surtout d’être médités. Dans le premier, M. Bulwer explique sa pensée sur les directeurs de théâtres, et dans le second sa pensée sur la critique. M. Macready, seul juge à qui l’auteur eut soumis sa pièce, avait manifesté le désir de la voir jouer à Drury-Lane. Le directeur demanda à lire la pièce avant de la jouer, et M. Bulwer refusa au directeur ce qu’il n’accorde pas à son libraire, la lecture préalable de son manuscrit, se fondant sur cette maxime incomparable : que le directeur pouvait bien risquer son argent là où l’auteur risquait son nom. M. Morris, directeur du théâtre d’Hay-Market, se montra plus accommodant que le directeur de Drury-Lane, et consentit à jouer la pièce sans l’avoir lue ; mais la négociation fut rompue faute d’acteurs convenables. Enfin M. Osbaldiston, directeur de Covent-Garden, sur la seule recommandation de M. Macready, commença, les yeux fermés, les répétitions de la Duchesse de La Vallière. Qu’arriva-t-il ? Comment fut récompensée cette confiance illimitée ? C’est ce que nous apprend le second avertisse-