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THÉÂTRE ANGLAIS.

toire. Si Louis XIV n’eût compté autour de lui que des courtisans aussi mal élevés, Versailles, assurément, n’eût pas été cité dans toute l’Europe comme un modèle achevé d’élégance et de grace. Quant au marquis de Montespan, il sert de plastron au duc de Lauzun et au comte de Grammont, avec une docilité plus digne de pitié que de rire. Il s’adresse lui-même de si grossières plaisanteries, il s’avilit avec tant d’acharnement, qu’il n’y a pas de rôle possible pour lui, et que sa disgrace passe inaperçue,

Le marquis de Bragelone, bien que taillé sur le patron de tous les amans trompés et généreux, intéresserait peut-être s’il parlait plus simplement ; mais il fait une si abondante consommation de tropes et de paraboles, qu’il fatigue les oreilles les plus complaisantes. Il sermonne tous ceux qu’il rencontre, depuis le duc de Lauzun jusqu’au roi ; mais comme il néglige de varier les formes de sa vertueuse indignation, l’attention lâche pied avant la fin de sa harangue.

Mme de La Vallière, mère de l’héroïne, est un personnage au moins inutile, puisqu’elle disparaît sans retour avant la fin du premier acte. D’ailleurs, c’est le second tome du marquis de Bragelone, à la colère près.

Mme de Montespan, si renommée à la cour de Louis XIV par la grace ingénieuse de ses reparties, et plus encore par la verve satirique de ses portraits, n’est, dans la pièce de M. Bulwer, qu’une intrigante de bas étage, sans esprit et sans gaieté, qui se vante de sa bassesse avec une impudeur niaise. Il est vrai que les contemporains n’attribuent pas à Mme de Montespan une sensibilité bien vive, et signalent en elle une femme de tête plutôt qu’une femme de cœur ; pour peu cependant qu’elle fût, je ne dis pas spirituelle, mais seulement sensée, elle ne devait pas faire parade de sa perfidie en présence de ses alliés. Toutefois, je reconnais volontiers que des personnages tels que la marquise de Montespan et le duc de Lauzun de M. Bulwer sont d’une grande utilité pour la construction d’un drame vulgaire, et simplifient singulièrement la marche de la fable.

Louise de La Vallière n’a pas été plus respectée que Louis XIV ou Lauzun par M. Bulwer. Au lieu d’être tour à tour naïve et passionnée, de pleurer sa faute dans la solitude, et d’oublier Dieu en présence de son amant, elle fatigue le roi de ses regrets et de