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SALON DE 1837.

l’image des dieux sous la nudité des plus belles formes humaines, et actuellement nos sculpteurs n’ont pas des dieux à modeler, mais des hommes, des hommes vêtus depuis les pieds jusqu’à la tête, et Dieu sait de quels costumes. Ils sont à plaindre ; vraiment. Néanmoins tous ne subissent pas les exigences que la société nouvelle leur impose, et il en est qui protestent contre elles avec persévérance par des œuvres qui ne manquent point de grace et de sentiment. Sous ce point de vue, nous remercions M. Bosio de nous avoir donné la statue de la nymphe Salmacis. La tête nous paraît insignifiante et un peu longue ; mais le corps, souple et fin, se ploie avec délicatesse sur les genoux. M. David, qui comprend l’importance du nu dans la sculpture, a su éviter, dans sa statue de Talma, la forme mesquine et désespérante du costume moderne. Il a suivi l’exemple de Flaxman, et couvert d’une toge romaine les épaules du Roscius français. Nous n’avons qu’à le louer du parti qu’il a pris, car sans cette hardiesse, nous n’aurions pas le plaisir de voir la poitrine et le bras qu’il a si bien modelés. Il est heureux pour M. Foyatier d’avoir eu à faire pour la maison du roi la statue de l’abbé Suger. Le vieux catholicisme lui a fourni ces vêtemens à larges plis qui donnent aux figures tant de grandeur et de caractère. La tête est rudement accentuée ; elle est austère, et nous semble exprimer assez bien le double rôle de Suger, celui de l’homme d’état et du moine. M. Etex, dans sa statue de la reine Blanche, a voulu réunir la naïveté de la vieille sculpture gothique à la pratique et à la science moderne. Ses efforts, sans être couronnés d’un plein succès, n’en sont pas moins louables. Il y a un beau jet de draperie et de la noblesse dans l’attitude. Le buste de M. Dupont de l’Eure, du même artiste, est exécuté avec soin ; les rugosités de son cou de bœuf, qui le font ressembler à quelque vieux sénateur romain, sont traitées en conscience ; mais peut-être sent-on un peu trop le travail. M. Mercier a du sentiment et de la grace, mais il est souvent près de l’afféterie. Sa manière de traiter le portrait avec le costume actuel n’est pas heureuse et manque de caractère. Le groupe en bronze de M. Desbœufs, Souvenir de la fête de la madone di pie di grotta, n’est pas sans charme et sans naïveté. Il y a de l’ivresse dans les yeux et dans le sourire du Napolitain qui donne à boire à l’enfant. Le bronze de la statue de M. Feuchère, le Benvenuto Cellini, est tellement brillant, que l’effet général en