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SALON DE 1837.

peuple. Si quelquefois ils le raillent, c’est toujours en gens qui l’aiment et qui se plaisent avec lui. M. Biard est le peintre des mœurs bourgeoises, le Molière des boutiques et des mairies de village ; c’est le satiriste de la classe moyenne. Mais on n’est pas bien sûr que, tout en se moquant des ridicules de cette portion de la société, il ait un grand amour pour elle. Toutefois, M. Biard mérite d’occuper une belle place dans la série de nos peintres de mœurs familières. On trouvera peut-être que nous nous sommes trop étendu sur ses ouvrages ; mais nous, qui croyons que l’art doit admettre le manteau de Scapin aussi bien que l’épée d’Achille, nous avons été heureux de louer un homme qui réunit à la richesse d’une palette puissante l’effusion d’une verve pleine d’originalité. Au milieu des pastiches nombreux que des prétentions exagérées produisent, il nous est agréable de rencontrer une simple et franche nature qui s’abandonne à son instinct, et qui, sans chercher à faire des merveilles, enfante des choses qui, pareilles aux singeries de M. Decamps, resteront peut-être bien long-temps après que de vastes et larges toiles auront été ensevelies dans la poussière de l’oubli.

iii.

L’individualité, ce don si précieux et si rare dans les hautes régions de la peinture, se rencontre peut-être, suivant nous, plus facilement dans la peinture du paysage. À vrai dire, cette partie de l’art, peu cultivée chez les anciens et très pratiquée chez les modernes par des artistes nombreux, par les Italiens d’abord et plus tard par les Flamands, a pris en France, depuis quelques années, un essor remarquable. Il semble que nos artistes se soient souvenus que si l’Italie et la Flandre avaient enfanté les princes de la peinture historique et religieuse, la France avait donné le jour au Raphaël et au Michel-Ange du paysage, au divin Claude et au grand Poussin. En cela ils ont eu raison de s’enorgueillir, de se compter pour quelque chose dans l’art et de chercher à augmenter en ce genre les richesses de la nation. On peut donc signaler non-seulement un grand nombre de paysagistes modernes, mais encore parmi eux un certain nombre d’hommes doués d’un sentiment véritable et d’une forme tout-à-fait tranchée. Ainsi rien n’est plus chaud de ton que les terrains orientaux de M. Decamps ; rien