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élevée et que les Raphaël, les Rubens, les Vandick, les Titien, les Rembrandt, ont traité, on peut le dire, d’une manière toute royale. Mais à ce sujet, il s’est formulé plusieurs systèmes : les uns ont prétendu que la ressemblance étant le but du portrait, l’on ne devait songer qu’à rendre la nature telle qu’elle est et avec le plus d’exactitude et de minutie possible ; d’autres, que le peintre devait moins s’attacher à rendre avec exactitude les traits qu’à saisir l’ensemble et donner du caractère à la physionomie. Nous, nous pensons que l’artiste doit imiter la nature autant que ses facultés le lui permettent, mais qu’il doit le faire avec charme ; que pour cela, et conformément au précepte de Gœthe, il doit imiter la nature dans son meilleur temps et dans son meilleur air. Il doit être, non pas un miroir muet, impitoyable et inanimé, mais un miroir intelligent et plein de vie, qui adoucit et corrige, suivant l’idéal céleste, les reflets trop caractéristiques, tout en les rendant avec fidélité. Voilà comment nous concevons la peinture de portrait. Nous pouvons nous tromper dans ce système, mais du moins nous le croyons préférable à celui dans lequel ont été conçus les portraits de Mlle Ungher, par M. Amaury Duval, et de MM. Devéria et Fontaney, par M. Boulanger.

On ne peut guère dessiner les contours d’une figure, d’un bras et d’une main, avec plus de justesse et de finesse que ne l’a fait M. Duval ; mais aussi on ne peut guère mieux montrer les défauts et les irrégularités naturelles d’une figure. Joignez à cela une couleur violette, égale et sans vie ; et l’on regrettera qu’avec autant de talent, M. Duval ait rendu avec si peu de charme l’aimable physionomie de la cantatrice allemande. M. Boulanger est parti, nous le pensons, d’un système contraire. Ayant des visages sombres et blafards à peindre, il les a présentés dans une situation extra-naturelle, afin sans doute de leur donner plus de caractère. C’est pourquoi il a fait des visages ressemblans, mais d’une ressemblance qui déplaît et qui n’est vraiment pas celle de la nature. Le portrait de M. de Balzac en moine blanc nous paraît meilleur ; la tête est franchement dessinée et colorée avec verve. C’est un bon ouvrage à notre avis et dont nous louons l’auteur. M. Court, cette année, est moins heureux que de coutume. M. Lehmann fait preuve d’habileté et de science de dessin dans ses portraits. Mais souvent que de sécheresse dans les contours, et combien sa cou-