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SALON DE 1837.

ils s’attachent à la représentation des faits naturels de la vie du Christ, plus qu’à la représentation des scènes de la vie céleste, et puis ils se gardent bien de reproduire exactement les tons crus et désagréables de la peinture à l’œuf. Quant à nous, nous ne condamnons aucune forme de la pensée ; mais il nous semble difficile de rajeunir celles qui ont vieilli, il nous semble également impossible de mettre en oubli les progrès matériels du dessin et de la couleur, Raphaël et Rubens, et nous pensons que le meilleur moyen aujourd’hui de toucher les ames en peignant les sujets religieux, c’est d’y arriver par les voies les plus naturelles et les plus accessibles à l’imagination humaine. C’est, au reste, ce qui a été tenté l’année dernière avec succès par un paysagiste, M. Bodinier. Il a formulé avec une belle naïveté de dessin, et une puissance d’effet remarquable, une scène religieuse prise dans la nature italienne : la prière des pâtres romains au coucher du soleil. Depuis long-temps nulle toile religieuse ne nous avait impressionné aussi vivement, nul tableau saint ne nous avait élevé l’ame vers le créateur de toutes choses, comme ces visages mâles et sévères de pasteurs priant Dieu dans l’immense solitude de la campagne de Rome et dans le silence de la nuit tombant du haut des cieux.

ii.

Goethe a dit quelque part et à peu près en ces termes : Un des plus beaux monumens à élever à la mémoire de l’homme, c’est son portrait. C’est la meilleure idée qu’on puisse donner de lui, c’est le meilleur texte au peu de choses qu’on en peut dire et écrire ; mais il faut qu’il soit exécuté dans les meilleures années de son âge, dans le moment où la forme est belle encore et où l’intelligence a acquis son plus haut développement. Nous adoptons comme juste ce précepte du souverain pontife de l’art au xixe siècle. Nous pensons que si rien n’est plus sérieux pour un homme de goût et de sentiment que d’avoir à se faire peindre, rien n’est plus intéressant pour un artiste que d’avoir à conserver l’image d’un grand homme ou d’une belle femme. On sait de quelle valeur étaient un buste et une statue chez les anciens. Chez les modernes, l’éclat et le charme de la couleur ont ajouté du prix et de l’importance au portrait. Aussi ce genre de peinture est-il devenu une partie de l’art fort