Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
REVUE DES DEUX MONDES.

sur le néant de la grandeur et de la richesse ; mais mon attente a été trompée.

Les acteurs, avec la meilleure volonté du monde, ne pouvaient métamorphoser la pièce, émouvoir en prononçant des paroles insignifiantes. Il serait plus qu’injuste de reprocher à Volnys la nullité du rôle de Louis XIV. Talma lui-même n’aurait pas triomphé de cet Argan couronné. Samson, dans l’abbé Simon, a eu des momens assez heureux. Quoique son talent manque habituellement de naturel, il a donné quelque valeur à ce personnage vulgaire. Mlle Noblet, sous les traits de Mme de Caylus, a été plus gauche, plus raide, plus guindée que jamais. Non-seulement elle néglige d’assouplir sa voix, mais encore elle s’habille mal et manque de grace. C’est quelque chose que la jeunesse ; mais ce mérite, si grand qu’il soit, ne dispense pas de parler simplement, de prononcer avec netteté et de songer à plaire autrement que par des grimaces. Mlle Mars, chargée du personnage de Mlle de La Chausseraie, s’est montrée aussi parfaite que nous pouvions l’espérer. Mais dans la Vieillesse d’un grand roi, comme dans Marie, elle tenait une gageure insensée et devait perdre la partie. Paraître à son âge, en robe blanche, avec les épaules découvertes, et vouloir dérober au public les deux tiers de ses années, c’est un entêtement inconcevable, une folie positive. Je reconnais que Mlle Mars a dit avec une adresse merveilleuse les mots, bien peu nombreux, qui avaient l’air d’être pathétiques ou spirituels en passant par sa bouche. Je reconnais même qu’elle n’a pas chanté, et qu’elle est toujours demeurée dans le ton de la conversation ; mais ce perpétuel prodige ne la justifie pas. Une représentation n’est pas une lecture ; bien dire n’est pas jouer. Le rôle de Mlle de La Chausseraie n’exigeait pas un talent consommé, et la jeunesse qui ne suffit pas à Mlle Noblet, qui ne suffit à personne, eût été de bon goût et de bon effet dans ce personnage.

On avait beaucoup parlé du costume de Volnys ; le chiffre des frais avait même été publié. C’est une maladresse que nous devons oublier. Le costume de Volnys, sans être d’une grande richesse, est bien dessiné et n’a rien de mesquin. Soyons raisonnables, et n’exigeons pas d’un premier sujet qu’il s’habille comme Louis XIV, pour la modique somme de 4500 francs. Que les banquiers de la chaussée d’Antin s’amusent à singer Chambord et Versailles, Anet et Fontainebleau, avec du bois et du papier mâché, à la bonne heure ! c’est une entreprise que Turcaret n’eût pas désavouée. Mais Volnys a fait preuve de bon sens en n’essayant pas de nous éblouir. Mlle Mars, selon son habitude, s’est affranchie de la fidélité du costume ; quels que soient le lieu et la date de la pièce qu’elle représente, elle conserve toujours la même coupe de robe ; ses toilettes s’appliquent obstinément à tous les siècles de l’histoire ; je suis sûr que pour