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REVUE. — CHRONIQUE.

protester contre de pareilles niaiseries. De semblables compositions conviendraient tout au plus à un pensionnat de jeunes demoiselles ; mais il faut une hardiesse singulière, ou une candeur bien ignorante, pour offrir au public, sur un théâtre qui se dit littéraire, la Vieillesse d’un grand roi. Le premier acte est consacré tout entier au choix d’un interprète pour les langues orientales ; le second, à une mascarade qui ferait honneur aux Funambules, et le troisième, à l’extorsion d’un testament. De ces trois thèmes, un seul peut-être contenait des élémens dramatiques. Il n’eût pas été sans intérêt d’assister à la lutte d’un roi usé par l’âge et le plaisir contre une femme dévote et rusée. Mais pour féconder un pareil sujet, il fallait un homme plus sérieux, plus inventif que M. Scribe ou ses élèves ; car, malgré quelques paroles sonores qui de temps en temps révèlent, chez MM. Lockroy et Arnould, le souvenir et le respect de MM. Dumas et Hugo, il est avéré pour nous que la Vieillesse d’un grand roi appartient à l’école de M. Scribe. Le candidat proposé à Louis XIV par Mlle de La Chausseraie est un curé de village vertueux, inoffensif, dangereux sans le savoir pour le parti des princes légitimés, investi d’un emploi qu’il n’a pas demandé, et tout étonné, comme Michel Perrin, de son importance inattendue. La mascarade du second acte serait à peine digne des tréteaux du boulevart. Il est possible, et rien ne le prouve, que Louis XIV ait été joué dans une occasion pareille ; mais lorsqu’il prit un rôle dans cette ridicule bouffonnerie, il était de bonne foi. Et pour croire qu’il se soit prêté de bonne grace à cette mystification, il faut ignorer profondément le sens et la valeur de la royauté dans les premières années du xviiie siècle. Cet ambassadeur qui parle un jargon digne du bourgeois-gentilhomme n’est pas seulement une grave inconvenance, c’est une éclatante absurdité ; et le public l’a si bien compris, qu’il est demeuré froid devant cette audace inutile. Le testament et la mort de Louis XIV ne sont pas traités avec plus de bon sens que l’ambassade. Les dernières paroles de ce prince sont assez imposantes pour mériter de n’être pas travesties. Le vainqueur de la Hollande conserva jusqu’à son dernier soupir l’intelligence et la passion du rôle royal. Il trouva la force d’adresser à son héritier des conseils et des enseignemens que l’histoire a enregistrés. Nous avons peine à deviner pourquoi MM. Lockroy et Arnould ont substitué à cette réalité si belle un évanouissement qui n’amène aucune leçon. Cette pièce, malgré les emprunts nombreux dont elle se compose, ne s’est pas crue assez sûre d’elle-même pour ne pas recourir à l’apologue. Il y a dans la Vieillesse d’un grand roi une scène assez longue entre Louis XIV et l’abbé Simon, garnie de sentences sur le bonheur de la vie de famille, sur la nécessité de ne pas rompre les vieilles relations à l’heure de la vieillesse. J’attendais quelques vers de Philémon et Baucis