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M. de Rémusat. M. Guizot ne partage pas absolument les doctrines politiques et la manière de voir de M. Molé, cela est évident ; autrement il n’aurait pas jugé nécessaire de s’assurer, par ses amis, de deux postes aussi importans que le ministère de l’intérieur et le ministère des finances. Il ne se serait pas opposé au maintien de M. de Montalivet au ministère de l’intérieur quand il refusa de prendre ce poste lui-même au 6 septembre. M. Guizot n’est pas homme à faire des choses inutiles, et il faisait une chose très logique en s’assurant d’une notable portion d’influence pour lui et pour les siens. De quelle nature est le dissentiment politique qui a nécessité l’emploi de ces précautions ? L’opinion publique peut se tromper ; mais, à tort ou à raison, elle désigne M. Guizot comme le partisan le plus ardent de la politique de guerre civile, qui pouvait être bonne quand les factions étaient armées, quand il était question de dissoudre de turbulentes associations, mais qui est tout-à-fait hors de propos dans un pays tranquille, où l’on a soif de l’ordre, et où les cas de rébellion, de désobéissance et d’indiscipline ne sont plus que des cas isolés, qu’un gouvernement ferme et modéré peut réprimer sans efforts. À tort ou à raison, on suppose M. Guizot sans cesse préoccupé, avec ses amis, de la composition d’une loi nouvelle, prête à être présentée à chaque évènement nouveau, remettant ainsi en question l’organisation politique du pays, et soulevant tout l’état social par sa base, ce qui n’est pas toujours le moyen d’assurer sa solidité. À tort ou à raison, les mesures conservatrices de M. Guizot semblent âcres et violentes, plutôt faites pour propager les divisions que pour les éteindre ; tandis que les procédés politiques de M. Molé, qui diffèrent peu, au fond, de ceux de M. Guizot, se présentent sous des formes plus acceptables et plus faciles. La chambre voyait donc avec complaisance, dans ces temps de détresse, mais de calme, la fougue de M. Guizot modérée par l’esprit de M. Molé ; elle se plaisait à voir l’influence du président du conseil, sinon dominer, du moins se faire sentir, n’eût-elle servi qu’à arrêter cette grande consommation de lois que M. Guizot et ses amis sont toujours disposés à faire, et à empêcher que le terrain politique ne fût labouré et remué de fond en comble par ces infatigables hommes d’état. De bonne foi, qu’on nous dise ce que représenterait la présidence de M. Guizot, qui a l’avantage, après tout, de faire tolérer sa politique sous la présidence actuelle ? On la regarderait comme le début d’un grand système de rigueur et d’intimidation qui serait à la veille d’éclore. À qui la faute si les discours d’un ministre semblent inquiétans, tandis que la parole d’un autre rassure ? La chambre ne doit compte qu’à elle-même de ses impressions, il suffit de les constater, et elle les manifeste, ce nous semble, d’une manière assez claire.