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ZOOLOGIE.

sciences alors indistinctes. Thalès, le premier des sages de la Grèce, était physicien, astronome, géomètre et moraliste ; Anaxagoras, naturaliste, géologue, anatomiste et physicien ; Démocrite, anatomiste, médecin, naturaliste, géomètre et moraliste ; Pythagore, Zénon d’Élée et plusieurs autres n’avaient pas une instruction moins étendue, moins variée : mais ni eux, ni leurs contemporains, ne paraissent avoir fait faire à l’histoire naturelle aucun pas important, et la Grèce antique serait restée presque étrangère aux progrès de cette science, si elle n’avait à s’honorer d’avoir donné naissance à Théophraste et à Aristote.

Théophraste, contemporain et ami d’Aristote, élève avec lui de Platon, et digne de l’amitié d’un tel condisciple et d’un tel maître, a cultivé à la fois, comme presque tous les philosophes grecs qui l’ont précédé ou suivi, toutes les branches des connaissances humaines. On sait qu’il avait étudié d’une manière approfondie les trois règnes de la nature, et exposé leur histoire complète dans plusieurs traités spéciaux ; mais son livre sur les animaux n’est pas venu jusqu’à nous, et quelques fragmens, retrouvés en divers lieux, ne suffisent pas à nous en donner une idée exacte. C’est une perte que nous devons déplorer vivement : les œuvres botaniques de Théophraste attestent en lui un talent remarquable d’observation et d’analyse (qualité éminemment rare chez les Grecs), en même temps que cette hauteur de vues qui forme un des brillans caractères de leur esprit. Disons aussi qu’une autre cause encore a diminué, auprès de la postérité, l’illustration à laquelle Théophraste avait droit : cette gloire a disparu dans celle d’Aristote. Si Aristote n’eût existé en même temps que lui, la postérité eût admiré à quelle hauteur Théophraste avait porté l’histoire naturelle : en présence d’Aristote, elle a surtout remarqué combien Aristote a su l’élever plus haut encore.

Le génie d’Aristote est, dans l’histoire de l’esprit humain, un de ces phénomènes exceptionnels dignes de toute notre admiration, et, plus encore peut-être, de tout notre étonnement. Plusieurs des grandes figures de l’antiquité brillent d’un éclat plus grand peut-être ; mais aucune ne nous apparaît entourée d’une gloire plus diverse et plus surprenante pour quiconque veut s’en rendre compte psychologiquement. Aristote, le prince des naturalistes de l’antiquité, et qui serait aussi, si Platon n’eût existé,