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LE VŒU DE LOUIS XIII.

très vrai, et c’est pour cela cependant que Raphaël est le prince des artistes religieux ; car si la vie est impossible aux figures qu’il a créées, ce n’est pas parce qu’il a omis étourdiment un ou plusieurs des élémens de la vie, mais bien parce qu’il a simplifié, par sa volonté toute puissante, la forme sous laquelle la vie nous apparaît. Pour soumettre à l’harmonie savante des lignes qu’il a rêvées l’ensemble du visage humain, il élimine tous les détails que la nature nous présente, dont la vie, proprement dite, ne peut se passer, mais qui, dans le sens pittoresque, ne sont pas absolument nécessaires. Il éteint la couleur qui signifie la force et la santé, il arrondit les plans musculaires qui expliquent et produisent le mouvement, il efface les plis des paupières ; mais cette perpétuelle simplification des lignes de la figure humaine, loin d’accuser l’ignorance ou l’impéritie de l’artiste, signifie seulement qu’il a rêvé, qu’il réalise une forme plus pure, plus élevée que la forme humaine ; il abrège parce qu’il sait, il simplifie parce qu’il généralise. Aussi toutes les madones de Raphaël parlent à l’ame, au lieu de réjouir les yeux. Il règne dans les yeux de ses vierges divines tant d’innocence et de sérénité, que la vie, en les atteignant, semblerait les profaner. Elles sont incapables de se mouvoir ; mais la mobilité n’est pas nécessaire à leurs célestes rêveries. L’air qu’elles respirent n’est pas celui que nous respirons. Les paroles que leur bouche prononce ne font pas le même bruit que nos paroles. Quoiqu’elles ressemblent aux femmes de la terre, nous comprenons qu’elles ne sont pas nées parmi nous.

M. Ingres, en essayant de nous ramener à l’école romaine, s’est donc trouvé porté naturellement vers la peinture religieuse. Il s’est trompé en généralisant une vérité particulière ; il a méconnu l’histoire de l’art qu’il professe en voulant imposer le style romain à tous les sujets que l’imagination humaine peut concevoir et tenter de réaliser par la couleur. Mais dans l’ordre des idées religieuses, il a dû avoir et il a eu en effet une grande supériorité sur les amans de Venise et d’Anvers. Le Vœu de Louis XIII, que M. Calamatta vient de graver, suffirait seul à prouver ce que nous avançons. Cette composition se divise naturellement en trois parties bien distinctes, le roi, la Vierge et les anges. Il s’agissait d’exprimer dans le visage du roi la ferveur et l’espérance ; il fallait trouver pour Louis XIII suppliant une attitude qui sût concilier la majesté royale et l’humilité chrétienne. La tâche était difficile ; nous croyons que M. Ingres n’est pas demeuré au-dessous de l’entreprise qu’il avait acceptée. Le manteau royal est drapé avec une simplicité abondante. L’attitude de Louis XIII exprime bien la résignation et la prière. Le sceptre et la couronne qu’il tient dans ses mains et qu’il offre à Marie, caractérisent nettement le sujet de son vœu. Ce qui semblait à craindre, ce que