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scènes afin de réjouir le lecteur. Nous nous bornerons à recommander le poème tout entier aux personnes atteintes de spleen, aux tempéramens mélancoliques et blasés qui s’imaginent que rien n’est plus capable en ce monde d’exciter leur rire.

Livia, de M. Eugène Robin, mérite une tout autre recommandation. Ce n’est pas l’invention qui distingue ce poème dramatique. L’auteur n’y a guère que fondu et amalgamé des scènes et des personnages empruntés du Faust de Goëthe, du Manfred de Byron, de l’Ahasverus de M. Edgar Quinet. La seule imagination piquante qui soit propre à M. Eugène Robin, c’est d’avoir mis en contact et fait causer, au début de son drame, Faust et don Juan, les deux types consacrés de l’amour intellectuel et de l’amour des sens. Ce qui appelle l’attention dans Livia, c’est, au milieu des négligences et des incorrections continuelles, une phrase poétique souvent nerveuse et vibrante ; çà et là, l’audace des pensées, la franchise de l’expression, enfin d’incontestables témoignages d’un talent dont le vol encore incertain pourrait bien déployer un jour de larges ailes.

Que si, de l’examen de tous les volumes de vers précédemment passés en revue, nous essayons de tirer quelques conclusions générales, nous établirons d’abord que la médiocrité ordinaire, la puérilité et l’absurdité fréquentes de la plupart des compositions poétiques du jour expliquent au moins, si elles ne justifient pas absolument, la profonde indifférence publique pour la poésie actuelle.

Nous constaterons en outre une décadence générale de la poésie à la suite de 1836, tout à l’honneur de la poésie du même rang qui florissait sous la restauration.

Ainsi les poètes secondaires que nous avons présentement ont perdu beaucoup du côté de la forme, sans avoir rien regagné par le fond. Ils ne soignent plus également le rhythme. Ils riment avec moins de richesse et leur pensée est restée tout aussi pauvre.

Une autre perte notable que nous avons faite est celle des épigraphes, tout-à-fait passées de mode aujourd’hui. Or les épigraphes, fournies par toutes les gloires littéraires du pays et de l’étranger, n’étaient certainement pas le moindre agrément de la petite poésie contemporaine.

§ ii.
LES ROMANS NOUVEAUX.

N’eussions-nous point assez fourni d’irrécusables preuves de l’indifférence publique pour la poésie, nous n’en voudrions pas d’autre que le fait même de la publication du nouvel ouvrage de Mme Amable Tastu. On sait que