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bill de réforme. Mais le dévergondage de leurs manières, leurs instincts démocratiques inspiraient peu de sympathie aux whigs de la vieille roche. Toutefois, le ministère dissimulait ses préventions ; il contenait ses répugnances. Des mesures libérales avaient même été promises aux députés irlandais. Il avait été question d’alléger l’énorme fardeau de cette monstrueuse église anglicane qui pèse sur leur pays. Mais, dans l’hiver de 1832 à 1833, la populace irlandaise, presque toujours en rumeur et en émeute, fut plus turbulente et plus agitée encore que de coutume. Il y eut redoublement de meurtres et d’attaques contre la propriété. Les masses manifestèrent l’intention de refuser au clergé anglais le paiement de la dîme. Les malfaiteurs profitèrent de l’effervescence publique pour exercer plus à leur aise leurs brigandages dans les campagnes. Les choses étant en cet état, lord Grey se crut forcé d’intervenir. Il pensa que si l’on ne réprimait, même arbitrairement au besoin, les excès des diverses localités, ils dégénéreraient bientôt en révolte ouverte et générale. Dès l’ouverture de la session de 1833, le premier ministre inséra dans le discours du roi un paragraphe qui dénonçait la trahison ambitieuse de M. O’Connel. Puis il demanda au parlement des pouvoirs extraordinaires : — la création de tribunaux militaires ; le droit conféré au lord lieutenant de l’île de mettre en état de siége des districts entiers par une simple proclamation. C’étaient là, certes, des armes terribles confiées aux mains d’un gouvernement. Lord Grey obtint pourtant tout cela. Les whigs l’avaient soutenu de toutes leurs forces. Les tories étaient venus également à son aide. Ils y avaient pris un double plaisir. D’abord, le caractère despotique des mesures proposées les avait singulièrement charmés ; ils espéraient, en outre, qu’elles aboutiraient à ruiner l’administration whig. Effectivement, elle avait eu dès-lors à lutter rudement contre ses précédens alliés les radicaux, et surtout contre les Irlandais, qui avaient déployé, dans tout le débat, une violence et une fureur inouies. Ainsi le coercion-bill divisa en deux armées le camp ministériel, et alluma entre elles des combats plus acharnés qu’aucun de ceux que s’étaient précédemment livrés les tories et les réformistes.

Nous avons peu de choses à dire des autres mesures ministé-