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pendant établis long-temps déjà avant l’époque historique des Grecs et des Romains. Souvent confondus avec les Amazirgues, ils entrèrent en Afrique par immigrations successives. On fait remonter leur première apparition au temps de Josué, 1,400 ans environ avant l’ère chrétienne ; mais plus tard ils reçurent, par la voie de Carthage, de nouvelles colonies. Les histoires en parlent comme d’un peuple errant, tandis que les Amazirgues sont fixes. La plus grande partie des Maures qui peuplent le pays entre l’Atlas et la mer, descendent de ceux qui furent chassés d’Espagne après la conquête de Grenade, et ces héritiers des Maures européens forment la population la plus riche et la plus puissante des villes : ce sont eux qui occupent les hauts emplois du gouvernement et de l’armée, et les seuls indigènes qui entretiennent des relations directes avec les peuples chrétiens ; ce qui ne les empêche pas de les haïr profondément. Leur langue est l’arabe dit occidental, mélangé de beaucoup de mots amazirgues et espagnols. Les Maures sont généralement minces et bien pris ; mais vers l’âge mûr ils tournent à l’embonpoint, grace à leur vie indolente et oisive. Les femmes sont, dit-on, gracieuses et avenantes : mais bientôt l’embonpoint les défigure aussi. On sait que c’est chez elles un signe de beauté, et afin de la rendre plus parfaite, elles se peignent en noir les sourcils et les paupières.

Le costume des Maures nous est connu ; quant à leur caractère, nous avons vu que l’avarice et la perfidie en sont la base. Voici un trait où ces deux passions nationales se retrouvent combinées avec un art diabolique. Un homme était en prison pour crime d’homicide, il avait la mort en perspective, et d’un jour à l’autre on attendait la sentence impériale. Un de ses amis prit à cœur sa délivrance, et se mit en devoir de le sauver. Il s’adressa à un homme de la prison, qui consentit, moyennant une forte somme d’argent, à couper les liens du prisonnier et à le rendre à la liberté. Il fut convenu qu’il le remettrait à son ami à trois heures du matin. À minuit, l’homme de la prison se rendit chez le plus proche parent du mort, et lui laissa soupçonner l’évasion du meurtrier, en s’engageant toutefois, moyennant une nouvelle somme d’argent, à lui livrer son ennemi à deux heures, s’il voulait venger sur lui l’affront fait à sa famille. La somme est comptée, et à l’heure dite le parent trouve en effet le prisonnier au lieu du rendez-vous ; il