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LE MAROC.

colonie de Portugais qui auraient occupé le pays au moyen-âge, et l’auraient abandonné lors de la découverte de l’Amérique. Il existe près de Demnet, ville toute scellocque, une église couverte d’inscriptions latines, et dont la fondation est attribuée aux Portugais. On la dit fréquentée par les esprits, et cette superstition l’a sauvée de sa ruine : les naturels n’ont pas osé y porter la main.

Quoique voisins des Amazirgues, les Scelloks en vivent tout-à-fait séparés ; ils n’ont avec eux aucun commerce, et il n’y a pas d’exemple d’un seul mariage contracté d’un peuple à l’autre. Quant à la langue, il est certain qu’ils ne s’entendent pas sans interprète : les mots même de première nécessité diffèrent totalement. Cependant les deux idiomes paraissent dériver d’une source commune. Un religieux espagnol, le père don Pedro Martin del Rosario, qui a voyagé chez l’un et l’autre peuple, et étudié les deux langues, assure qu’elles sont l’une à l’autre ce que l’anglais est au hollandais ; et quant au caractère respectif des deux populations, il avait coutume de dire que les Scelloks étaient les Français du Maroc, et que les Berbères en étaient les Belges.

Léon l’Africain fait des premiers le portrait suivant : « Ce sont, dit-il, des hommes terribles et robustes qui méprisent le froid et la neige. Leur vêtement est une simple tunique de laine, par-dessus laquelle ils portent un manteau ; ils s’enveloppent les jambes de bandelettes en guise de bas ; ils vont nu-tête en toute saison ; ils ont beaucoup de troupeaux de mules et d’ânes. Ce sont les plus grands voleurs et assassins du monde. Ils vivent en intimité ouverte avec les Arabes, et les volent la nuit. Toutefois ces montagnards sont vaillans, et en guerre ils ne se rendent jamais vivans. Ils vont au combat à pied, armés de l’épée et du poignard, et on ne réussit à les vaincre qu’à force de cavalerie. »

Cantonnés dans la région des orages et non moins turbulens que les Amazirgues, les Scelloks ne sont guère plus qu’eux soumis à l’autorité du sultan ; ils vivent en pleine indépendance, et prennent les armes sous le moindre prétexte.

Ces deux races sœurs, sinon jumelles, forment à elles seules une grande moitié de la population marocaine ; l’autre moitié est composée de Maures et d’Arabes. Les Maures ont une origine perse, et paraissent n’être qu’un amalgame de peuples asiatiques ; venus au Maroc beaucoup plus tard que les Amazirgues, ils s’y trouvaient ce-