Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/676

Cette page a été validée par deux contributeurs.
672
REVUE DES DEUX MONDES.

tère du 11 octobre, telle même que l’administration du 22 février voulait l’étendre, ne pouvait avoir pour effet que d’atténuer l’irréparable faute commise en juin 1835, et d’en retarder les inévitables conséquences. À ce titre, elle avait sans doute encore une véritable importance politique ; et l’on comprend qu’un cabinet, plutôt que de renoncer à cette dernière ressource, se soit dissous en face d’une telle responsabilité.

Cependant l’état des choses s’était compliqué à ce point, que la continuation du concours semblait nous compromettre désormais autant que l’avaient fait les refus antérieurs, et qu’il y eut peut-être sagesse à livrer au hasard des évènemens qu’on s’était rendu gratuitement incapable de maîtriser. Au fond, le ministère du 22 février et celui du 6 septembre restent en dehors de la véritable question espagnole ; c’était avant qu’il fallait la résoudre ; depuis on n’a guère eu qu’à choisir entre des fautes et des impossibilités.

Dissoudre le dépôt de la légion étrangère, abandonner l’Espagne à elle-même, était une marche fort dangereuse, car on semblait ouvrir la route de Madrid à don Carlos, et l’on acceptait aux yeux de la France la solidarité directe d’un tel évènement. Maintenir les enrôlemens, pousser nos soldats en Espagne, au moment où l’insurrection militaire y substituait les épaulettes de capitaine aux galons de sergent ; tendre une main empressée au pouvoir sorti d’une nuit de désordre, c’était courir des chances également redoutables, et se compromettre plus sérieusement avec l’Europe qu’on ne l’eût fait par l’intervention antérieurement exercée.

Les prévisions qu’inspirait, il y a si peu de mois, l’état de la Péninsule, semblent, à certains égards, il est vrai, avoir été trompées. Mais si don Carlos, au lieu de profiter des épreuves de l’Espagne et de notre tolérance, s’est maintenu dans ses lignes, revenant à Bilbao sans rien tenter sur Burgos, c’est là un dernier témoignage de prudence ou de faiblesse, sur lequel il est juste de reconnaître qu’on était fort loin de compter. D’un autre côté, si le mouvement révolutionnaire avorte, comme une traînée faisant long feu, si cette assemblée joue son rôle de convention nationale avec un sang-froid fort édifiant, ce n’est là ni ce qu’on croyait, ni ce qu’on annonçait chaque jour à la France ; or, en politique, les miracles ne dispensent pas de prévoyance.

D’ailleurs, soit que le prétendant gagne du terrain ou qu’il se borne à se maintenir ; soit que l’ardeur révolutionnaire, un instant contenue, reprenne son cours ou qu’elle s’éteigne, une question se reproduira toujours incessante, toujours sûre de triompher des hésitations et des retards. L’intervention deviendra une nécessité finale, à laquelle les évènemens acculeront les plus récalcitrantes volontés.

Si l’on ne reconnaît pas la convenance de prêter secours à Madrid à un