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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

l’Angleterre et la France répondirent que le moment ne paraissait pas venu de donner aux articles additionnels du 18 août une aussi complète extension, mais que de promptes mesures seraient prises pour répondre aux vues du gouvernement de la reine-régente. En vertu de cette déclaration, un ordre du conseil de sa majesté britannique, du 10 juin, permit les enrôlemens à l’étranger. La France, de son côté, dénationalisa sa belle légion d’Alger pour la faire passer sous les drapeaux espagnols. Comment ces secours furent-ils aussi complètement inefficaces contre une armée démoralisée par la mort de son chef et l’échec de Bilbao ? Comment la coopération, au lieu de finir la guerre civile, la rendit-elle plus cruelle et plus persévérante ? La force anglo-française était-elle insuffisante, et de nouveaux corps auxiliaires auraient-ils mené à fin la pacification des provinces basques ?

Pas davantage. Ce qui a perdu la coopération, c’est son inefficacité politique, et pas du tout son insuffisance militaire. Si les secours envoyés à l’armée de la reine pouvaient lui assurer quelques succès sur le champ de bataille, ils relevaient le moral de l’insurrection, bien loin de l’abattre. Ce concours, quelque développement qu’on essayât de lui donner, contribuerait à prolonger la lutte sans présenter aucun moyen de la terminer. Ce qu’il fallait en Navarre, c’était une force médiatrice, qui pût traiter avec le gouvernement espagnol et se porter garante des conditions de la paix ; ce qu’il importait surtout d’y présenter, c’était un drapeau qui n’eût pas été cent fois vaincu, et devant lequel des gens de cœur pussent sans honte abaisser leur épée.

Au lieu de cette occupation tutélaire que la Navarre aurait bénie sans doute, que lui a-t-on montré ? Des Français déshérités de leurs couleurs nationales, et n’ayant conservé qu’une bravoure inutile ; des aventuriers ramassés dans les docks et les tavernes de Londres, étalant aux yeux de ce peuple le scandale d’une intempérance que la victoire n’a pas même une seule fois honorée ? Ces condottieri sans patrie étaient aussi sans mission pour faire espérer aux provinces l’évacuation militaire et le respect de leurs droits, aux vaincus l’amnistie, aux hommes les plus compromis un exil sans flétrissure et sans misère. Comment n’a-t-on pas vu qu’il ne servait à rien d’envoyer des soldats là où il fallait des négociateurs armés, et qu’il s’agissait moins de vaincre la Navarre que de la rassurer ?

Là gît toute la faiblesse d’un système qui n’est ni dans nos mœurs, ni dans nos traditions nationales. La France fut toujours assez grande, et l’Europe la sait assez modérée, pour avoir le droit d’agir à la face du monde, et pour couvrir tous ses enfans de l’ombre de son drapeau, lorsqu’ils combattent pour elle. La coopération, telle que l’a conçue le minis-