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délibérées, ces mesures et ces engagemens seraient restés sans nul effet, au cas où l’intervention se fût opérée avec une sage modération et une invariable fermeté. Nous ne savons ce qu’on a pu dire, mais nous pressentons ce qu’on aurait fait, et, sur ce point, le passé révélait clairement l’avenir. À qui persuadera-t-on que l’Europe, après avoir laissé choir du trône de France trois générations royales ; après avoir assisté immobile aux deux campagnes de Belgique, entreprises contre un établissement et une maison qui lui étaient chers à tant de titres ; après avoir été jusqu’à souffrir le bris nocturne des portes d’Ancône ; associant son sort à la moins importante, sans contredit, des restaurations, venant tenter aux bords de l’Èbre ce qu’elle n’avait point essayé sur ceux de l’Escaut, dérivât tout à coup, par une incompréhensible fascination, des voies de prudence où elle s’était engagée avec de si notables avantages ? L’Autriche, d’ailleurs, a-t-elle donc un si grand intérêt au maintien de la loi salique en Espagne ? et le droit en vertu duquel règne Isabelle n’est-il pas celui-là même qui, au préjudice d’un frère aîné, fit monter l’empereur actuel au trône de toutes les Russies ? On ne se compromet à ce point ni avec la prudence ni avec la logique.

L’Europe continentale n’aurait pas fait la guerre pour l’intervention de 1835, plus que l’Angleterre ne la fit pour l’intervention de 1823. La France serait passée de la coopération à un secours plus efficace et plus digne d’elle, que les plaintes seraient devenues plus vives, sans être, au fond, plus sérieuses. Il en est de l’assertion contraire comme de celles déjà discutées plus haut : elle est bonne pour les couloirs de la chambre ; Dieu me garde de dire pour la tribune, car de là on parle à la France. Si l’on s’est lié sur cette affaire, c’est donc en toute liberté et par des considérations d’un autre ordre. Dès-lors une nouvelle question se présente, et celle-ci subsiste seule. En renonçant à l’intervention, n’a-t-on pas servi des intérêts plus précieux que nos intérêts en Espagne ? ne s’est-on pas créé des facilités pour des transactions importantes, et ne faut-il pas attendre l’avenir pour juger de ce qu’il y a d’obscur dans le passé ?

Sur ce point, j’accorde sincèrement au gouvernement de mon pays la confiance dont je le crois digne ; mais j’ai peine à comprendre, je l’avoue, quelle compensation la nation pourrait jamais attendre d’un abandon sur lequel elle devra tôt ou tard revenir ; et en reconnaissant que le sang de ses enfans n’appartient qu’à elle-même, je ne saurais détacher ma pensée de ces scènes de désolation qui accusent aux yeux du monde ou son indifférence ou sa faiblesse.

À la question d’intervention se lie celle de la coopération, comme l’accessoire au principal. On sait comment elle se produisit. Ayant été saisies, dans le courant de mai 1835, de la demande du gouvernement espagnol,