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LITTÉRATURE ORIENTALE.

Le rapprochement de ces faits bien divers, mais tenant à des causes psychologiques analogues, éclaire et justifie cette singulière altération que M. Burnouf signale dans le sens du radical dev ; c’est ce qui leur donnait peut-être le droit de trouver place ici.

Souvent l’étude approfondie d’un mot zend ou sanscrit jette un jour inattendu sur l’origine et la valeur primitive d’un mot grec ou latin. Je m’étonne qu’en parlant du mot sanscrit ritu (saison), dont le dérivé zend s’applique aux portions du temps considérées par rapport à leur emploi religieux, M. Burnouf n’ait pas signalé l’étymologie du latin ritus, rit. Ce que l’on fait ritè, c’est en latin comme en zend et en sanscrit[1], ce que l’on fait à son heure, dans la portion de temps que la religion a consacrée à cet objet.

Le travail de M. Burnouf sur la langue zend, quand il ne serait susceptible d’aucune application, n’en serait pas moins en lui-même un modèle de sagacité analytique, et un grand pas fait dans l’étude comparative et philosophique des langues. Mais nous allons voir qu’outre son mérite intrinsèque, ce travail, quoique bien loin encore d’être terminé, a conduit son auteur à d’heureuses découvertes. On peut prédire qu’elles se multiplieront à mesure que M. Burnouf, avançant dans son interprétation du texte, aura plus de matériaux à sa disposition.

Déjà, entre ses mains, la connaissance approfondie de la langue zende jette un jour précieux sur quelques points de l’ancienne géographie de l’Orient. M. Burnouf a déterminé, par l’étymologie des noms de lieux, l’extension et les limites de l’Arie, c’est-à-dire de la contrée occupée primitivement par la langue et la religion de Zoroastre ; il a tracé, pour ainsi dire, par un procédé philologique, une carte historique[2].

Quant à ce qu’il serait le plus important pour nous de connaître au moyen du zend, c’est-à-dire l’ensemble des idées de Zoroastre, on ne peut s’attendre à le trouver encore dans le premier chapitre de l’Yacna, que M. Burnouf a publié. C’est comme si l’on voulait trouver dans quelques fragmens de litanie chrétienne tout le christianisme. La voie qu’a prise M. Burnouf est longue, mais sûre ; pour

    composition du nom d’Ormusd, et désigne une idée de bonté, avec Asura, qui est, en sanscrit, le nom des ennemis des dieux.

  1. E, dans les deux langues, est la terminaison du locatif.
  2. Notes et Éclaircissemens, p. liii, lxxxiv et suiv.