Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/558

Cette page a été validée par deux contributeurs.
554
REVUE DES DEUX MONDES.

que à demi barbares, où, à défaut de mieux, on est encore trop heureux d’avoir des écoles lancastériennes, prirent pour un chef d’œuvre ce qui était l’enfance de l’art, et se laissèrent éblouir par le spectacle de classes innombrables gouvernées par un seul maître, à l’aide de petits moniteurs pris parmi les élèves. Ce gouvernement d’enfans par des enfans ressemblait à une sorte de self-government, et paraissait un utile apprentissage de l’esprit démocratique. De plus, l’instruction chrétienne était impossible avec cette méthode, car il n’y a pas de moniteur, eût-il même douze ans, qui puisse enseigner la religion et la morale ; on se trouvait donc conduit à réduire à peu près à rien l’instruction religieuse, à moins qu’on ne donne ce nom à la récitation matérielle du catéchisme, comme on peut le faire en Portugal et en Espagne, et cela semblait un triomphe sur le clergé. D’autres personnes voyaient dans ce mode d’enseignement une grande économie. Et puis, l’œil était charmé de cet ordre matériel et du mécanisme des exercices. Les enfans s’y mouvaient au geste d’un autre enfant, comme dans une fabrique les diverses parties d’un métier par l’impulsion d’une simple manivelle. Ce fut cet enseignement tout matériel qu’on opposa aux écoles ecclésiastiques de la restauration. Ainsi, une extrémité précipite dans une autre ; la théocratie et le despotisme poussent à l’esprit de licence. Malheureusement l’enseignement mutuel a survécu aux luttes qui précédèrent 1830. Cependant l’enseignement simultané fait peu à peu des progrès, et les hommes honnêtes et désintéressés finissent par ouvrir les yeux. En Allemagne l’enseignement mutuel est méprisé. Je n’ai pas trouvé dans toute l’étendue de la Prusse un seul pédagogue qui fût partisan de ce mode d’enseignement ; et il ne s’est pas encore offert à moi une école mutuelle ni à La Haye ni à Leyde. — « Mais, me dit-il, sachez, monsieur, que vous n’en trouverez pas une seule dans toute la Hollande. » Et se retournant vers M. l’inspecteur Schreuder : « N’est-il pas vrai, lui dit-il, qu’il n’y a pas en Hollande une seule école mutuelle ? » L’inspecteur Schreuder l’affirma. — « Et ce n’est pas, reprit M. Van den Ende, que nous ignorions l’enseignement mutuel. Nous l’avons étudié, et c’est parce que nous l’avons étudié que nous le rejetons. La Société du bien public, que vous devez connaître par le rapport de M. Cuvier, a mis au concours la question des avantages et des inconvéniens de