Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/536

Cette page a été validée par deux contributeurs.
532
REVUE DES DEUX MONDES.

sur le territoire de Bourges. Avertis de son approche, les habitans de Bourges et de son district ne s’effrayèrent point du péril qui les menaçait. Leur cité, autrefois l’une des plus puissantes et des plus belliqueuses de la Gaule, conservait d’antiques traditions de gloire et de courage ; et à cet orgueil national se joignait, pour elle, celui de la splendeur dont elle avait brillé, sous l’administration romaine, par son titre de métropole d’une province, ses monumens publics et la noblesse de ses familles sénatoriales.

Quoique bien déchue depuis le règne des barbares, une pareille ville pouvait encore donner des preuves d’énergie, et il n’était pas aisé de la contraindre à faire ce qu’elle ne voulait pas. Or, soit à cause du mauvais renom du gouvernement de Hilperik, soit pour ne pas se voir ballottés d’une domination à l’autre, les citoyens de Bourges tenaient fermement à celle dont ils faisaient partie, depuis la fusion en un seul état de l’ancien royaume d’Orléans et du royaume des Burgondes. Résolus non-seulement à soutenir un siége, mais à se porter d’eux-mêmes au-devant de l’ennemi, ils firent sortir de la ville quinze mille hommes en complet équipage de guerre[1].

Cette armée rencontra, à quelques lieues au sud de Bourges, celle de Desiderius et de Bladaste, beaucoup plus nombreuse, et supérieure en outre par l’habileté de son commandant en chef. Malgré de tels désavantages, les hommes du Berry n’hésitèrent pas à accepter le combat ; ils tinrent si ferme, et la lutte fut si acharnée, que, selon le bruit public, plus de sept mille hommes périrent de part et d’autre[2]. Un moment refoulés en arrière, les méridionaux l’emportèrent à la fin par la supériorité du nombre. Chassant devant eux les débris de l’armée vaincue, ils continuèrent leur marche vers Bourges, et se livrèrent, sur toute la route, à des ravages imités de ceux des hordes barbares ; ils incendiaient les maisons, pillaient les églises, arrachaient les vignes et coupaient les arbres au pied. C’est ainsi qu’ils arrivèrent sous les murs de Bourges, où l’armée du duc Berulf fit sa jonction

  1. Biturici verò cum quindecim millibus ad Mediolanense castrum (Château-Meilian) confluunt. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 281.)
  2. Ibique contra Desiderium ducem confligunt : factaque est ibi strages magna, ita ut de utroque exercitu ampliùs quam septem millia cecidissent. (Ibid.)