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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.
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parce qu’il se plaisait à y voir un symbole de la souveraineté civilisée, ce furent de grands médaillons d’or portant sur une face, la tête de l’empereur avec cette légende : Tibère Constantin toujours auguste, et sur l’autre, un char à quatre chevaux monté par une figure ailée avec ces mots : Gloire des Romains. Chaque pièce était du poids d’une livre, et elles avaient été frappées en mémoire des commencemens du nouveau règne[1]. En présence de ces splendides produits des arts de l’empire, et de ces signes de la grandeur impériale, le roi de Neustrie, comme s’il eût craint pour lui-même quelque fâcheuse comparaison, se piqua de montrer des preuves de sa propre magnificence. Il fit apporter et placer à côté des présens que contemplaient ses leudes, les uns avec un étonnement naïf, les autres avec des regards de convoitise, un énorme bassin d’or, décoré de pierreries, qui venait d’être fabriqué par son ordre. Ce bassin, destiné à figurer sur la table royale dans les grandes solennités, ne pesait pas moins de cinquante livres[2]. À sa vue, tous les assistans se récrièrent d’admiration sur le prix de la matière et sur la beauté du travail. Le roi goûta quelque temps en silence le plaisir que lui causaient ces éloges, puis il dit avec une expression de contentement et d’orgueil : « J’ai fait cela pour donner de l’éclat et du renom à la nation des Franks, et si Dieu me prête vie, je ferai encore beaucoup de choses[3]. »

Le conseiller et l’agent de Hilperik dans ses projets de luxe royal et dans ses achats d’objets précieux, était un juif de Paris nommé Priscus. Cet homme, que le roi aimait beaucoup, qu’il mandait souvent auprès de lui et avec qui même il descendait jusqu’à une sorte de familiarité, se trouvait alors à Nogent[4]. Après avoir donné quelque temps à la surveillance des travaux, et au recensement des produits agricoles dans son grand domaine sur la Marne, Hilperik eut la fantaisie d’aller s’éta-

  1. Aureos etiam singularum librarum pondere, quos imperator misit, ostendit, habentes ab una parte iconem imperatoris pictam, et scriptum in circulo, tiberii constantini perpetui augusti : ab alia verò parte habentes quadrigam et ascensorem, continentesque scriptum, gloria romanorum. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 266.)
  2. Ibique nobis rex missorium magnum, quod ex auro gemmisque fabricaverat in quinquaginta librarum pondere ostendit. (Ibid.)
  3. Ego hæc ad exornandam atque nobilitandam Francorum gentem feci. Sed et plurima adhuc, si vita comes fuerit, faciam. (Ibid.)
  4. Judæus quidam, Priscus nomine, qui ei ad species coemendas familiaris erat… (Ibid., pag. 267.)