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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

gence, faisant effort de tous côtés pour se débrouiller elle-même, il ne distinguait pas assez ce qu’il pouvait y avoir de tentatives sérieuses et d’intentions respectables[1].

Guidé par un éclair de vrai bon sens, Hilperik avait songé à rendre possible en lettres latines, l’écriture des sons de la langue germanique ; dans ce but, il imagina d’ajouter à l’alphabet quatre caractères de son invention, parmi lesquels il y en avait un affecté à la prononciation qu’on a depuis rendue par le double w. Les noms propres d’origine tudesque devaient ainsi recevoir, dans les textes écrits en latin, une orthographe exacte et fixe. Mais ni ce résultat cherché plus tard à grand’peine, ni les mesures prises dès-lors pour l’obtenir, ne paraissent avoir trouvé grace aux yeux de l’évêque trop difficile, ou trop prévenu. Il ne fit guère que sourire de pitié en voyant un potentat de race barbare montrer la prétention de rectifier l’alphabet romain et ordonner, par des lettres adressées aux comtes des villes et aux sénats municipaux, que, dans toutes les écoles publiques, les livres employés à l’enseignement fussent grattés à la pierre ponce et récrits selon le nouveau système[2].

Une fois, le roi Hilperik ayant pris à part l’évêque de Tours, comme pour une affaire de la plus grande importance, fit lire devant lui, par l’un de ses secrétaires, un petit traité qu’il venait d’écrire sur de hautes questions théologiques. La principale thèse soutenue dans ce livre singulièrement téméraire était que la sainte Trinité ne devait point être désignée par la distinction des personnes, et qu’il fallait ne lui donner qu’un nom, celui de Dieu ; que c’était une chose indigne que Dieu reçût la qualification de personne comme un homme de chair et d’os ; que celui qui est le

  1. Scripsit alios libros idem rex versibus quasi sedulium secutus : sed versiculi illi nulli penitus metricæ conveniunt rationi. (Gregorii Turon., Hist. francor. ecclesiast., lib. v. Apud script. rerum francic., tom. ii, pag. 260.) — Confecitque duos libros, quasi sedulium meditatus quorum versiculi debiles nullis pedibus subsistere possunt, in quibus dum non intelligebat, pro longis syllabas breves posuit, et pro brevibus longas statuebat : et alia opuscula, vel hymnos, sive missas, quæ nulla ratione suscipi possunt. (Ibid., lib. vi, pag. 291.)
  2. Addidit autem et litteras litteris nostris, id est Ω, sicut Græci habent æ, the, vui, quorum characteres subscripsimus. Hi sunt Ω, Ψ, Ζ, Δ. Et misit epistolas in universas civitates regni sui, ut sic queri docerentur ; ac libri antiquitus scripti, planati pumice rescriberentur. (Gregorii Turon.., Hist. lib. v, pag. 260.) — Nullumque se asserebat esse prudentiorem. (Ibid., lib. vi, pag. 291.)