Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/389

Cette page a été validée par deux contributeurs.
385
L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

Gardons-nous d’oublier, d’ailleurs, que si la tentative de Quiroga sur San Fernando et l’expédition téméraire de Riego en Andalousie n’avaient été secondées par des démonstrations populaires dans les principales villes du royaume, l’île de Léon eût été probablement le tombeau d’une insurrection dont rien ne semblait plus devoir faire espérer le succès. Le mouvement avait éclaté le 1er janvier, et au commencement de mars, la colonne de Riego était à peu près détruite par les combats et les fatigues. L’île de Léon elle-même ne paraissait pas pouvoir offrir une longue résistance aux efforts du général Freyre. La révolution était donc aux abois dans les lieux qui furent son berceau, lorsqu’éclatèrent les mouvemens de la Galice, de la Navarre, de l’Aragon, de Valence, et, en dernier lieu, celui de Cadix ; mouvemens qui trouvèrent partout des proscrits pour les fomenter et les conduire : à la Corogne, Agar, ancien régent du royaume ; à Saragosse, Garay, l’ancien ministre ; ailleurs, des prisonniers qui passèrent en un jour des cachots aux conseils du monarque. Au moment même où le comte de l’Abisbal, jugeant que cette fois l’issue de la crise était infaillible, faisait proclamer la constitution par l’armée de la Manche, l’émeute de Madrid arrachait le matin au roi Ferdinand la promesse de convoquer les cortès du royaume, selon l’engagement dont il se souvenait alors pour la première fois, et le soir, la proclamation immédiate de l’acte de 1812, « d’après la volonté générale du peuple[1]. » Au jour du danger, les conseils de la peur ne manquèrent pas plus que n’avaient jusqu’alors manqué ceux de la violence ; ils venaient des mêmes hommes et furent également écoutés.

Cette sombre nuit du 7 mars, qui vit se relever une constitution dont tant de maux allaient suivre le rétablissement, après que tant de maux en avaient signalé la chute, rappelle aujourd’hui une autre nuit plus récente. Alors qu’on la croyait pour jamais ensevelie dans le long catalogue des expériences oubliées, elle a reparu de la même manière qu’en 1820, et la scène militaire de Saint-Ildephonse s’est aussi répétée au palais das Necessidades. Le Portugal, ce pâle satellite de l’Espagne, a suivi, dans sa dernière révolution, l’astre dont l’influence le domine, et auquel il tend à se réunir plus étroitement encore. À ce spectacle, les gouvernemens et les peuples se sont rejetés en arrière, et ont cru retrouver un instant leurs émotions d’une autre époque. Mais l’instinct public a bien vite compris que ces rapprochemens apparens cachaient de profondes dissidences, et que des événemens prétendus analogues avaient une portée et un caractère très différens.

Au mois de mars 1820, après les sermens de son roi, qu’elle crut sin-

  1. Loi du 12 octobre 1820.