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l’y avoir autorisé, la majorité de la commission ayant admis comme un fait constant, que l’ambassadeur de France avait connu, au plus tard le 6 août, la véritable qualité de Conseil. Ainsi, l’ambassadeur de France était formellement mis en cause. On admettait contre lui, pour le déclarer faussaire à la face de toute l’Europe, les allégations de quelques aventuriers, des prétendus aveux arrachés avec toutes les apparences d’un complot, soutenus de quelques lambeaux de papier sans signatures, sans adresses ; on citait comme pièce de conviction un passeport donné sous un nom allemand (M. Hermann, de Strasbourg), à un homme qui ne parlait qu’italien, par un secrétaire de légation qui aurait dû chercher à concilier toutes les vraisemblances. Entre M. de Montebello qui niait et des réfugiés italiens qui affirmaient, on affectait de croire des hommes en surveillance, à cause de leur mauvaise réputation, et qui ensuite ont été précipitamment renvoyés de la Suisse. Enfin, on dressait publiquement une véritable instruction judiciaire contre un personnage que son caractère d’ambassadeur rend sacré, dans le droit public de l’Europe. Cependant il s’est trouvé une majorité de quinze cantons pour adopter les conclusions du rapport de M. Keller, qui consistaient à faire passer sous les yeux du gouvernement français tous les actes d’une procédure inouie, juridiquement nulle, et qui contient une foule de faits matériellement faux.

Dès le premier jour le gouvernement n’a pu voir dans cette affaire qu’un odieux complot contre son ambassadeur, tramé par des réfugiés, avec l’entière connivence de Conseil, pour amener entre la Suisse et la France une rupture qui les sauverait. C’était l’opinion de M. Thiers ; il était certain des actes de son ministère et de la loyauté du duc de Montebello. À une époque où déjà il ne se considérait plus comme président du conseil, et avant que M. Keller eût fait son rapport à la diète, il s’en était exprimé vis-à-vis de M. Tschann, ministre de la Confédération en France, avec la plus grande force. Il lui avait dit que tout cela n’était à ses yeux qu’une perfide machination, une vengeance des partis contre M. de Montebello, une explosion de haines impuissantes et insensées, et que, si la chose allait plus loin, la France, quel que fût son gouvernement, serait obligée de demander une réparation éclatante.