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or, ceux-là ne partagent certainement point les absurdes illusions qu’ils entretiennent chez leurs obscurs soldats, et comprennent sans doute qu’à moins d’évènemens en dehors de leur sphère, il n’y a guère aujourd’hui de chances de succès pour leur cause. Ces évènemens, ils doivent chercher à les provoquer.

Et quoi de plus capable d’en faire naître qu’une querelle sérieuse entre la Confédération helvétique et les puissances allemandes, à cause de l’embarras où elle mettrait la France ? Faire cause commune avec l’Allemagne contre la Suisse ou la laisser sans défense ? Quel déshonneur, et quelle déviation de l’ancienne politique française ! Soutenir la Suisse, même dans ses torts, et la soutenir à main armée ? C’est la guerre générale, empreinte d’un caractère propagandiste ! Si l’on réfléchit à ce qu’un pareil dilemme aurait d’effrayant pour la France, et à tout ce qu’il ouvrirait de chances de bouleversement universel, on ne sera pas étonné que nous ayons pu supposer à ceux qui en profiteraient l’arrière-pensée de jeter un obstacle sous les roues du char qui les écrase.

Nous avons épuisé le fait le plus grave dont les enquêtes instituées par les autorités suisses aient amené la découverte. Cependant il y en a d’autres qui ne sont pas à négliger dans cette question, et qui sont démontrés par le travail de M. Roschi, préfet de Berne, tant sur les réfugiés du canton, que sur ceux de toute la Suisse. On a saisi des correspondances qui prouvent jusqu’à quel point les réfugiés allemands avaient pénétré dans la vie politique des cantons, l’influence qu’ils exerçaient sur certains magistrats, le parti qu’ils savaient tirer des institutions du pays dans l’intérêt de leurs desseins. Outre la Jeune-Allemagne, qui était l’association la plus nombreuse, il y avait en Suisse une Jeune-Italie, une Jeune-Pologne, et une Jeune-Suisse[1], associations de compatriotes,

  1. Plusieurs personnes ont admis comme un fait incontestable l’identité de la Jeune-Suisse avec l’Association nationale suisse, dont le président est M. Druey, conseiller-d’état du canton de Vaud. L’association nationale se trouverait ainsi en rapport avec les sociétés d’étrangers, formées dans un but spécial de propagande révolutionnaire. Mais M. Druey se défend de toute participation aux desseins des réfugiés, et a combattu, dans son journal, le Nouvelliste Vaudois, les passages du travail de M. Roschi qui concernent l’association nationale. C’est une question qui intéresse particulièrement la Suisse, et que nous laissons débattre entre M. Druey et MM. Schnell, de Berthoud, ses antagonistes déclarés. Nous l’aurions entièrement passée sous silence, si M. Druey n’était pas aujourd’hui un des hommes les plus importans du parti radical et du gouvernement de Lausanne.