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fort impérieusement exigée, pour le moment la question fut assoupie, et les relations amicales se rétablirent entre la confédération et les états allemands.

Dans cette crise, qui menaça un instant de devenir fort sérieuse, la France joua le rôle de modérateur. Elle fit sentir que l’indépendance et la neutralité de la Suisse étaient sous sa protection, qu’elle ne souffrirait pas qu’il leur fût porté atteinte, sous le prétexte de paralyser les efforts des réfugiés, et de prévenir des dangers qui n’existaient pas encore. Mais en même temps elle usa de toute son influence auprès du directoire et des gouvernemens suisses pour faire obtenir aux puissances des garanties raisonnables, dans la pensée d’éloigner autant que possible de nouvelles causes de complications et de nouvelles sources d’exigences. Mais ce qui était plus efficace et plus direct, le gouvernement consentit à recevoir en France un grand nombre des étrangers qui avaient attiré sur la Suisse les ressentimens et les menaces des états voisins. En ouvrant la séance du 22 juillet 1831, le président de la diète et du directoire, M. Hirzel, bourgmestre du canton de Zurich, reconnut solennellement que, dans les fâcheuses circonstances dont la Suisse venait à peine de sortir, elle avait dû beaucoup aux bons offices et à la bienveillance du gouvernement français. « On peut envisager, dit M. Hirzel, l’article du Tractanda relatif aux réfugiés polonais comme suffisamment terminé, et cette affaire ne doit plus donner lieu à aucune négociation. Je déclare que c’est au gouvernement français que l’on doit rendre graces de cet heureux résultat. Bien que ces hommes aient répondu aux bienfaits de la France par une conduite turbulente et par des injures envers le roi et ses ministres, il a consenti, par bienveillance pour la Suisse, à leur ouvrir encore une fois les portes du royaume. »

Ces sentimens de reconnaissance étaient alors sincèrement partagés en Suisse par les hommes les plus éminens de l’opinion libérale, et surtout par les chefs des gouvernemens de Berne, de Lausanne et de Genève. On aimait à rendre justice aux intentions de la France ; on croyait à son désintéressement ; on ne lui supposait aucune arrière-pensée de jalousie ou d’ambition contre l’indépendance helvétique, aucun préjugé contre les institutions républicaines de la Suisse. Personne alors n’aurait osé, comme dans ces derniers temps, élever contre elle l’absurde accusation de vouloir