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et guide la société. Mais à l’extérieur, la solidarité et l’unité sont complètes, ou plutôt une nation n’existe politiquement, vis-à-vis les autres, que par son gouvernement. Aux yeux des autres peuples, il la représente et la constitue ; il la glorifie ou l’abaisse dans leur opinion. Voilà pourquoi il importe à un peuple libre de surveiller et de conduire la politique étrangère, de la redresser, s’il y a lieu, par l’organe des pouvoirs parlementaires. Il y va de l’honneur et du salut des institutions représentatives de ne pas servir moins efficacement la gloire et la prospérité nationale que n’ont fait les cabinets absolus.

Au surplus, dans quelques semaines, la politique extérieure va paraître sur le premier plan de la scène parlementaire. Un ministère s’est retiré pour n’être pas infidèle à la politique qu’il avait adoptée ; une autre administration s’est formée en l’absence des chambres. M. Thiers doit nous expliquer sa retraite, M. Molé son avènement. La chambre entre nécessairement dans une phase nouvelle ; nous verrons si son éducation politique lui permet déjà d’attacher aux questions extérieures l’importance qu’elles méritent, et d’en faire, pour le cabinet, une condition d’existence. Son droit n’est pas douteux ; deux fois un ordre du jour motivé a constaté le pouvoir de la chambre des députés dans la direction des affaires étrangères ; il reste à comprendre et à saisir les occasions d’user du droit.

Les débats de la session prochaine nous promettent un intérêt élevé : deux hommes d’état, MM. Thiers et Molé, viendront expliquer, devant le pays, les raisons de leur conduite ; M. Thiers a besoin de la tribune ; il y reparaîtra sans doute brillant et vif, et trouvera l’art d’être indiscret et piquant sans inconvenance comme sans ingratitude. Nous ignorons les motifs qui ont dirigé M. Molé. Il faut attendre les explications parlementaires de cet homme politique, dont le caractère est, au reste, justement considéré, et qui doit avoir présent à la pensée l’éloge dont le cardinal de Retz décorait son aïeul, qu’il voulait le bien de l’état préférablement à toutes choses. Ces discussions sur de grands intérêts, que viendront féconder les talens de l’opposition, auront cet avantage de donner aux débats politiques à la fois plus d’étendue et de réalité, et d’éclairer la France sur ses rapports avec l’Europe.