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fallait témoigner qu’on avait la force de modérer l’esprit révolutionnaire, mais qu’on ne voulait pas l’abdiquer.

Il ne faut pas s’abuser sur les dispositions de la France : elle accepte volontiers la paix, bien qu’il y a six ans elle eût fait la guerre avec plaisir ; mais elle n’a pas perdu cette conviction, que la révolution de 1830 a changé ses rapports moraux avec l’Europe, et l’a relevée des souvenirs de l’invasion. Elle a confusément la conscience de commencer une phase nouvelle qui, dans l’avenir, troublera l’économie des traités de 1815, comme la fin du dernier siècle a changé quelque chose à ceux de 1713.

Mais si le gouvernement a de grands devoirs à remplir pour la politique étrangère, la société a les siens aussi. Il ne suffit pas de s’occuper des affaires extérieures la veille d’une bataille ou le lendemain d’une victoire : une nation libre doit prêter une attention constante à ses rapports avec les autres peuples. Napoléon nous avait habitués à lire l’histoire de l’Europe dans ses bulletins ; sous la restauration, nous cherchions surtout dans les premiers momens à ne pas porter notre pensée au-delà de nos frontières. En 1830 nous nous occupâmes vivement de l’Europe, comme elle s’occupa de nous ; on crut un instant à une mêlée générale, mais la guerre n’éclatant pas, on est rentré dans une indifférence qui est une grande faute pour un pays libre. Voyez l’Angleterre ; il ne se fait pas dans le monde un mouvement politique que le public anglais ne ressente et ne comprenne sur-le-champ. Là, le gouvernement est averti, aiguillonné, contenu : la politique extérieure est exécutée par le pouvoir ; mais elle est pressentie et consentie par les majorités parlementaires et par le pays.

Telle est la portée des gouvernemens représentatifs. Ils doivent assurer le triomphe du génie et la volonté nationale dans les relations extérieures comme partout ailleurs. Si l’article 13 de la Charte porte : « Le roi est le chef suprême de l’état ; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce, » ce texte n’implique pas le pouvoir illimité de la couronne dans le cercle des affaires étrangères. Le chef constitutionnel de l’état n’est pas là plus absolu qu’ailleurs ; il agit sous l’influence des inspirations nationales que doivent lui exprimer officiellement les pouvoirs parlementaires.

Le temps n’est plus où le tiers-état ne pouvait intervenir dans