Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.
338
REVUE DES DEUX MONDES.

exprimer les idées et les sentimens. Pour la politique extérieure, leur génie doit deviner et systématiser les instincts de la nation. Dans cette sphère, ils sont plus maîtres, parce qu’ils sont plus responsables encore. Le secret et la liberté d’action leur appartiennent plus qu’ailleurs, mais les résultats sont plus clairs, et tournent davantage à leur gloire ou à leur confusion.

Le dernier gouvernement que l’an 1830 a vu tomber était enlacé dans une situation fatale. Il vivait sous le poids de ses obligations envers les puissances de l’Europe. Il était assez malheureux pour avoir dû son avènement à nos désastres ; notre ruine l’avait élevé, et ce n’était pas au milieu d’une armée française que le roi de France était entré dans Paris. On comprendrait mal notre pensée, si l’on voyait dans l’évocation de ce souvenir une injure adressée à ce qui reste du sang d’Henri IV et de Louis XIV. Nous rougirions de calomnier le malheur, en contestant l’élévation des sentimens personnels ; nous parlons seulement des conjonctures historiques.

Or, l’ancienne dynastie sentait si bien elle-même la dureté de sa condition vis-à-vis l’étranger, qu’après quelques années de règne, on la vit s’agiter en tous sens pour s’efforcer de la changer ; elle travaillait par sa diplomatie à obtenir des puissances la permission de faire un mouvement, puis un autre ; elle songeait même à quelque agrandissement. Pour être juste, il faut ajouter que, malgré ses disgraces et les malheurs de la France, elle avait toujours aux yeux de l’Europe l’autorité d’une race antique qui primait les autres couronnes par l’éclat séculaire de son origine ; elle comblait par les souvenirs du passé l’infériorité du présent, et le roi de France, même après Mittau, n’en était pas moins pour les cours le premier gentilhomme de l’Europe[1].

Cette situation qui le fortifiait vis-à-vis l’Europe, était une source de périls en face du pays qui supportait avec peine que son gouvernement dût à l’étranger tant de reconnaissance. Aussi, à sa chute, la France jeta comme un cri de délivrance ; elle se sentait plus libre ; elle mettait à sa tête, un pouvoir qui, cette fois, ne devrait rien qu’à elle-même.

Ici les choses changèrent de fond en comble. Le pouvoir nouveau

  1. Mot de George IV.