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QUESTIONS EXTÉRIEURES.

que par la liberté des nations. Nous ne songeons pas à nous en défendre, mais plus nous avançons dans la vie et la connaissance de l’histoire, plus grandit en notre intelligence la sainte union du monde et de la patrie. Nous ne trouverions de sens ni à notre siècle ni à notre pays, s’ils répugnaient à s’élever à l’universalité, et si le temps n’était pas pour eux un pressentiment de l’infini ; à l’intolérance religieuse, qui maudit les hommes, ses frères, l’écume à la bouche et la Bible à la main, il faut faire lire et connaître les Vedas, Confucius et Laotseu ; à l’intolérance politique, il faut apporter la carte du monde ; au désespoir et au scepticisme, qui veulent justifier leurs douleurs et leurs doutes avec des lambeaux de l’histoire, il faut leur tourner la page, leur montrer les nombreux triomphes du droit et de la liberté, et leur montrer aussi les feuilles blanches qui attendent la main de l’homme.

Parmi les nations modernes qui ont déjà une longue histoire, la France est la moins fatiguée par les épreuves qu’elle a soutenues. Qui s’étonnera que l’Amérique et la Russie aient un long avenir, puisqu’elles manquent de passé ? Il y a à peine deux siècles que, sous Jacques Ier, l’Angleterre envoyait dans la Virginie des défricheurs et des colons ; et c’est seulement pendant la vieillesse de Louis XIV que Pierre-le-Grand jeta les fondemens de Saint-Pétersbourg et de la jeune Russie. Il est donc naturel que deux puissances nées d’hier, dont l’une a la moitié d’un nouveau continent, et dont l’autre est établie à la fois en Europe, en Asie et en Amérique, doivent trouver de la gloire dans l’avenir, et se procurer par leurs actes une éclatante et durable histoire. Mais la France a déjà beaucoup vécu ; et si néanmoins elle est restée jeune, si, à la fois vieille et nouvelle, elle a un abondant passé et en même temps un long avenir, on peut envier la fortune des écrivains qui, dans plusieurs siècles, traceront les annales françaises.

Au surplus ce mouvement de continuité et de rénovation n’appartient pas moins au système général du monde qu’à la vitalité française : ainsi, à l’origine des sociétés modernes, nous avons vu l’Italie commencer une seconde histoire, pendant que l’Allemagne, la France et l’Angleterre commençaient la première. La renaissance italienne fut même, sur plusieurs points, la condition de la naissance des autres nations, et les descendans des Latins et des