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DE LA PROPRIÉTÉ EN FRANCE.

heure à mendier, et servent de pourvoyeurs à la colonie. Quiconque s’affranchit de la coutume et se marie, est passé par les bâtons, en expiation de cette infidélité. Ils ont bien senti que le mariage attachait l’homme au domicile, et qu’une vie errante était nécessairement une vie de débauche.

Nous connaissons peu d’exemples aussi repoussans en France ; mais il est certain que l’extrême division de la propriété y doit produire, avec le temps, les mêmes effets que produit en Irlande une trop grande concentration ; la misère devient le partage du peuple dans l’un et l’autre cas.

Ce n’est pas tant la division de la propriété qui est un mal ; c’est bien plutôt le morcellement du sol. Plus il y a de propriétaires dans un état constitué en démocratie comme la France, et plus l’ordre a de garanties. Le partage des grands domaines entre les multitudes du tiers-état, dans les premières années de la révolution française, lui a donné peut-être les citoyens qui lui manquaient. Le droit nouveau a pris ainsi racine dans le sol. Les bonnes mœurs se sont répandues et consolidées ; car la morale est une nécessité entre gens qui possèdent. Et si la moralité des laboureurs, dans les campagnes, est supérieure à la moralité des ouvriers dans les villes, cela vient en grande partie de ce que ceux-ci sont encore exclus de la propriété.

Dans un pays de petits capitaux comme la France, la division des propriétés était d’ailleurs une nécessité. Elle devait améliorer la culture ; car les terres que le seigneur féodal ne pouvait pas fertiliser, faute d’argent, et qu’il abandonnait à la routine insouciante des fermiers, chaque possesseur, dans cette distribution, en a couvert une parcelle de son corps, et l’a pénétrée, pour ainsi dire, de sa chaleur.

Il est possible que la petite culture produise autant que la grande ; le procès du moins entre les deux systèmes n’est pas vidé. Mais la grande culture économise nécessairement le temps et le travail. 6,000,000 d’hommes cultivent ainsi l’Angleterre et le pays de Galles, et il est difficile de croire que la France, avec un meilleur aménagement des terres, eût besoin des 25,000,000 de laboureurs qu’elle emploie au travail des champs. La charrue a été la première machine inventée pour abréger la peine de l’homme ; or quel avantage peut-on trouver dans une culture qui exclut