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DE LA PROPRIÉTÉ EN FRANCE.

l’amiable les héritages, et on les vendait de même. Puis, le nouveau propriétaire provoquait la substitution de son nom à celui de l’ancien, sur la matrice des contributions ; et, dans son ignorance, il croyait être désormais possesseur incommutable du sol. Hâtons-nous de remarquer que, dans une commune habitée par quelques milliers d’individus et où les affaires de chacun étaient connues de tous, le vendeur aurait eu de la peine à tromper l’acquéreur, quand il l’eût voulu.

Les choses allaient ainsi, lorsqu’un receveur de l’enregistrement, envoyé depuis peu dans le pays, découvrit ces habitudes établies en fraude de la loi et au préjudice du trésor. C’était sous la Restauration, à une époque où le pouvoir ne demandait pas mieux que de faire rendre gorge aux vilains que la révolution avait enrichis. Un fonctionnaire entreprenant qui proposait d’exercer des répétitions sur tous les acquéreurs de biens fonds depuis quinze à vingt ans, devait être bien accueilli du ministre. Le receveur fut autorisé à dresser un tableau de ces contraventions. Mais avant qu’il l’eût terminé, les habitans de la commune, soulevés, l’assaillaient à coups de pierre, et le chassaient de l’endroit.

Une sorte de transaction s’est opérée par la suite. L’administration a eu la prudence de fermer les yeux sur les faits accomplis ; les habitans de leur côté se mettent désormais en règle avec le fisc. Toutes les mutations se font par l’entremise du notaire, et acquittent les droits d’enregistrement. Quant aux formalités hypothécaires, on les omet constamment ; c’est une garantie trop dispendieuse pour des propriétés d’une aussi faible valeur. De cette manière la loi est respectée, mais la propriété n’est pas

    et Denis Maugis, gendre l’Évêque, nous consentons et nous adhérons que notre beau-frère Jean-Denis Girardin, à cause de Marie-Angélique Maugis, sa femme, notre sœur, jouira et appartiendra, en toute propriété quelconque, ladite pièce de neuf perches de terre (près de trois ares), lieu dit la Beauface, tenant d’un côté à Jacques Potheron, de l’autre au citoyen Colas, d’un bout sur la voie des Montbruns, d’un bout sur la voie des Bancs ; sans en rien retenir ni réserver, ainsi qu’il a dit bien connaître et en être content. Cette pièce est en jouissance, en toute propriété quelconque, à lui appartenant, pour et en cas que cette pièce lui a été concédée en rapport (apport) de mariage, pour former l’égalité entre les copartageans, à quoi ils renoncent et dont la jouissance a commencé de ce jour, en toute propriété quelconque ; dont et du tout avons signé le présent, bon et valable, ainsi que de raison.

    « Le 30 pluviôse an vi de la république française une et indivisible.

    « Denis-Jacques Maugis, Denis Maugis,

    Pierre-Nicolas Maugis. »