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REVUE. — CHRONIQUE.

d’histoire, de science, les travaux les plus sérieux, les plus lourds à notre librairie par la lenteur du débit ; la Belgique en fournira la Suisse, l’Allemagne, et elle trouvera bien le moyen aussi de s’adresser par là aux bourses de France, toujours si économes quand il s’agit d’un livre à acheter. Ce que nous disons ici n’est pas fiction ni crainte anticipée. Il est certain qu’à Lille, à Valenciennes, sur la frontière, et même à Paris, arrivent régulièrement, à travers nos douanes, de nombreux ballots de contrefaçons. Une prime accordée par des libraires de Mons aux contrebandiers suffit à stimuler leur habileté et à assurer la régularité de la fraude. Une commission, formée des principaux libraires de Paris, s’est déjà adressés à M. de Gasparin, pour lui exposer leurs griefs et leurs vues. Il est impossible que M. de Gasparin, qui, avant d’être ministre, avant d’être préfet, savait aimer les lettres et nourrissait ses loisirs de tout ce qui se produisait en France et en Europe de plus digne d’être lu, méconnaisse la réalité et le prix de la propriété littéraire. La question d’ailleurs prend ici un caractère général et politique qui la met au-dessus d’une simple question d’industrie, déjà par elle-même si respectable. En France, chaque jour l’instruction se répand, la presse est de plus en plus accessible à tous, un plus grand nombre en vit ; et dans l’état de pauvreté ou du moins de médiocrité étroite où sont la plupart de ceux qui cherchent dans leur plume une ressource, rien ne serait plus touchant, plus respectable, plus utile à l’état, qu’un ensemble de littérature sérieux et honnête. Vous vous plaignez que tant de jeunes gens spirituels et actifs tournent à mal, se gaspillent dans des journaux sans portée, s’irritent bientôt contre vous, s’ils ne se corrompent pas d’abord ! Vous voulez favoriser, dites-vous, les études sérieuses, les travaux suivis, ce qui honore l’intelligence et la tire des querelles envenimées ou futiles ! Eh bien ! vos encouragemens directs pour ce genre de travaux sont peu de chose ; vous ne pouvez pas plus que vous ne faites, nous le croyons ; l’économie des chambres vous resserre, votre position à vous-mêmes est d’un jour, et le lendemain ne vous appartient pas. Mais, si vous voulez être utiles à tous et après vous, faites une bonne loi qui assure à ceux qui s’occupent d’écrits longs et sérieux le moyen de vivre, qui permette à nos libraires d’oser s’embarquer dans des entreprises lentes, mais solides, de compter avec les auteurs sur d’autres succès que des succès de vogue et d’entraînement. Ce sera le meilleur moyen de ramener la moralité dans les livres et même le goût, dont il vous arrive si souvent de déplorer la perte. Le premier pas dans cette législation littéraire, sur laquelle nous donnerons un jour nos vues, est assurément l’obstacle à apporter aux contrefaçons belges. On dit que M. Molé se propose d’en entretenir sérieusement le roi Léopold, qui vient à Paris. Nous félicite-