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THÉÂTRE FRANÇAIS.

pouvait se renouveler que par l’analyse des sentimens. Nous avons tant vu de femmes partagées entre la passion et le devoir ; ce thème éternel a été si souvent et si habilement traité, qu’il ne peut guère nous intéresser, si l’auteur le réduit aux mesquines proportions que Mme Ancelot a choisies. Je ne blâme pas le sujet, je suis loin de le croire usé ; je pense au contraire que cette lutte, aussi vieille que la société, ne finira qu’avec elle. Quelles que soient les institutions qui régiront les âges futurs, il y aura toujours des promesses imprudentes et des passions impérieuses ; il n’y aura jamais moyen de concilier le devoir avec l’indépendance illimitée. Quoi que fassent les hommes, la souffrance sera toujours inévitable. Mais nous aurions voulu voir la souffrance expliquée, commentée par la plume d’une femme ; c’eût été pour nous une étude curieuse et peut-être nouvelle en beaucoup de points. Mme Forestier, malgré la présence de Charles, se résigne si facilement à l’accomplissement de son devoir, et cache si bien les combats de sa conscience, que la passion semble avoir disparu. Quoiqu’elle parle de son amour, nous la plaignons à peine. La seconde pièce est aussi loin que la première des conditions de l’art dramatique.

La troisième action, la lutte de la mère et de la fille, traitée par une femme, aurait excité, j’en suis sûr, plus d’intérêt encore que la seconde. Si nous avions assisté aux conversations de Cécile et de Marie, si nous avions pu apercevoir les premiers doutes, les premières inquiétudes qui s’éveillent dans le cœur de Marie, notre sympathie eût été enchaînée au drame de Mme Ancelot. Dans la pièce représentée mardi, Marie apprend par Mme d’Herbigny l’infidélité de Charles avec un entêtement difficile à comprendre, elle refuse de s’éclairer, elle ne questionne pas celle qui veut la détromper ; et plus tard, quand elle découvre la passion de Cécile, c’est en présence de Charles. Si Charles n’arrivait pas, Cécile garderait son secret. Cécile absente, peut-être Charles hésiterait-il à révéler son infidélité, c’est-à-dire que cette troisième pièce est plutôt conduite par les évènemens que par les personnages, ce qui s’accorde très bien avec la biographie, mais très mal avec l’art dramatique. Ainsi, Mme Ancelot nous a donné le programme de trois pièces, et ce programme a été applaudi.

Le succès obtenu par la comédie de Mme Ancelot ne doit pas