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LETTRES SUR L’ISLANDE.

par ses travaux de géographie. M. Egilssen a pris part à toutes les grandes publications d’ouvrages islandais qui se sont faites dans les dernières années à Copenhague, et prépare en ce moment une nouvelle édition de l’Edda de Snorro Sturleson, avec une traduction latine. Le vénérable docteur Schieving, le professeur de littérature latine, est un de ces hommes savans et modestes que l’on n’apprend pas à connaître sans émotion, et que l’on ne peut oublier une fois qu’on les a connus. Il y a vingt ans que M. Schieving travaille à un dictionnaire islandais-latin[1]. Il a tour à tour compulsé les anciens livres de droit, et les anciens livres d’histoire, les chants des scaldes et les sagas. Quand les livres imprimés lui ont manqué, il est entré en correspondance avec les étudians de Copenhague, afin de faire compulser les manuscrits islandais qui se trouvent à la bibliothèque. Il a classé chaque mot dans ses différentes acceptions ; chaque acception est justifiée par une citation, et chaque citation accompagnée d’une note indiquant le livre, la page où elle a été prise, le sens qu’elle doit avoir. J’ai vu dans la demeure de M. Schieving à Besesstad l’immense quantité de matériaux qu’il a amassés, pour faire son dictionnaire, et je lui ai demandé s’il ne pensait pas à le publier bientôt. « Hélas ! non, m’a-t-il dit, plus j’avance, plus je vois ce qui me manque pour arriver au but que je voulais atteindre. Quand j’ai entrepris cette longue tâche, je croyais avoir fini au bout de dix ans. Maintenant, je ne m’impose plus aucune limite. Je travaillerai tant que je vivrai. » Et, sans cesse, il revient sur ce qu’il a déjà fait, et sans cesse il recommence ses recherches, heureux d’accroître sa nomenclature, heureux de trouver un nouveau mot et une nouvelle acception, heureux des devoirs qu’il remplit, et des heures de loisir qui lui permettent de reprendre ses études favorites. La science n’a pas eu souvent un disciple aussi dévoué, soumis à un travail aussi exempt d’ambition.

Le temps des études à Besesstad dure de cinq à six ans. Les élèves ne sortent de là qu’après avoir subi un examen. Les uns peuvent devenir immédiatement prêtres, mais ceux qui se destinent à la médecine ou à la jurisprudence sont obligés d’aller étudier à l’université de Copenhague[2]. Il y a, en Islande, un médecin général nommé par le gouverneur, et cinq autres médecins placés dans les différens district. Le

  1. Le meilleur dictionnaire islandais que nous ayons est celui de Biorn, publié par Rink, 2 vol. in-4o, Copenhague, 1814. Il est encore très fautif et très incomplet. J’aurai occasion d’y revenir.
  2. Il y avait autrefois en Islande un usage assez curieux. Les élèves, en se présentant à l’université de Copenhague, devaient avoir un certificat du recteur de l’école latine de Hoolum ou de Skalholt, attestant leur capacité. Si, par suite de leur premier examen, ils n’étaient pas reçus, on mettait le recteur à l’amende.