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haine contre les anciennes supériorités sociales firent une impression profonde sur l’esprit du jeune André.

Sa mère le destinait à l’église, et en conséquence le plaça dans une école où il reçut quelques rudimens d’éducation littéraire. Sur ces entrefaites, la révolution éclata. À quatorze ans, le jeune André, en attendant la prêtrise, se rendit dans le camp américain avec son frère Robert, et fut fait prisonnier avec lui dans une débandade des insurgés ; leur aîné avait péri à la bataille de Stono. Pendant sa captivité, un officier anglais, le voyant tout jeune, lui ordonna cavalièrement de nettoyer ses bottes. André refusa, disant qu’il était prisonnier de guerre et non point un valet. Pour réplique l’officier lui lança un coup de sabre qu’il reçut sur le bras : ce fut sa première blessure ; ce fut aussi la fin de sa première guerre. Il recouvra presque aussitôt sa liberté. Son second frère mourut bientôt des suites d’une blessure à la tête ; sa mère succomba également ; il resta donc seul, sans parens, maître d’une petite fortune qu’il dépensa en très peu de temps.

À dix-huit ans, après avoir fait quelques études, il renonça décidément à la chaire, et se fit avocat ; en 1786, il se mit à plaider dans la Caroline du Nord. Après dix-huit mois environ, la passion d’émigrer lui vint ; il passa en Tennessée et s’établit à Nashville, où il devait définitivement se fixer. Il devint bientôt procureur-général de son district. En 1796, il fut nommé membre de la convention qui rédigea la constitution de l’état ; en 1797, il fut élu membre du sénat des États-Unis pour le Tennessée ; il n’y resta que deux ans ; en 1799, il donna sa démission, et fut choisi par ses concitoyens du Tennessée pour l’un des juges de la cour suprême de l’état. Mais, décidément les emplois civils ne lui convenaient pas, il ne tarda pas à se démettre de cette nouvelle fonction. Il avait alors trente-trois ans.

À cette époque, l’état de Tennessée formait l’extrême frontière de l’Union. Il était le refuge des aventuriers de l’Est. Sa population se composait de pionniers intrépides, mais, pleins d’âpreté et de rudesse, qui, vivant dans une indépendance sauvage sur leurs domaines à demi défrichés, avaient perdu toute sociabilité. Comme l’on était exposé aux attaques des Indiens, chacun portait pour sa sûreté personnelle un poignard et une paire de pistolets, souvent une carabine, sauf à s’en servir contre d’autres adversaires que