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en apporte ; de l’ordre ? il est l’ordre même ; il continuera le passé, et en même temps il développera l’avenir ; il vient de faire écrire par M. de Rémusat, et signer par M. Gasparin, une circulaire à la fois progressive et conservatrice, où l’on promet la défense des intérêts matériels, mais aussi des intérêts moraux ; enfin il faudrait être bien difficile pour n’être pas satisfait du régime que nous prépare ce Maître Jacques de la politique.

Comment la division ne régnerait-elle pas dans le conseil, quand M. Guizot a des pratiques et des menées cachées à M. Molé, quand il a un langage pour quelques-uns de ses collègues, un autre pour ses intimes et ses confidens ? Ici on parle de la chambre et de son président avec estime et précaution, là avec dédain et fatuité. C’est sur ce point que la discorde dans le cabinet est sérieuse et sourde. Si la chambre ne prête pas à M. Guizot un appui patent, M. Molé pourra travailler à composer un nouveau cabinet, tandis que M. Guizot voudra dissoudre la chambre. Il sera singulier de voir l’homme de la majorité parlementaire faire du renvoi de la chambre la condition de son existence ministérielle. Nous doutons que la couronne consente à mettre ce prix à la viabilité politique de M. Guizot ; nous doutons plus encore qu’on lui abandonne et qu’on lui laisse le pouvoir au moment d’une élection générale. On craindrait une trop forte secousse ; on redouterait de fournir à l’opposition dans toutes ses nuances un cri uniforme et populaire de ralliement. Au surplus, s’il faut en croire certains bruits, la fraction doctrinaire nous prépare pour la session prochaine de merveilleuses surprises ; elle sera progressive ; elle fera des lois de réforme et de liberté ; elle se montrera plus libérale que le tiers-parti. M. Guizot se pique d’imiter le duc de Wellington et sir Robert Peel, qui ont tenté plusieurs fois de garder le pouvoir en accomplissant eux-mêmes à moitié des réformes réclamées par le pays. D’abord nous croyons peu à ces indulgences démocratiques que M. Guizot nous jetterait pour se racheter lui-même ; mais ensuite il nous en donnerait le spectacle, qu’il ne parviendrait pas, par cet expédient, à se rendre plus solide et plus populaire au pouvoir. Les tories n’ont-ils pas préparé le retour des whigs, en voulant faire eux-mêmes ce que demandaient les whigs ? Les partis politiques ont leur raison et leur racine dans les intérêts qu’ils servent avec sincérité ; ils s’affaiblissent en se déguisant. Que M. Guizot propose des mesures et des lois libérales, on en profitera ; puis on travaillera, avec le secours même de ces lois et de ces mesures, à lui enlever le pouvoir.

La vérité est que le cabinet du 6 septembre n’a pas encore de plan arrêté ; M. Molé et M. Guizot se tiennent réciproquement en échec ; à l’extérieur, on attend les évènemens d’Espagne et de Portugal ; on attend