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LES RÉPUBLIQUES MEXICAINES.

ment de plonger leur épée dans un cadavre, afin de la montrer avec orgueil, dégoûtante de sang, et faire croire qu’ils ont bataillé comme des Murat. Les exploits de ces braves guerriers ne se bornent pas là. Après la victoire, on entre dans les villes ou villages ennemis, les officiers donnent l’exemple du pillage, et l’on voit se reproduire tous les excès qui ont lieu en pareilles circonstances.

Voilà, en réalité, la physionomie des armées mexicaines, et le portrait fidèle des chefs qui la commandent. Mais il faut bien se garder de ranger sur la même ligne les anciens officiers qui ont fait la guerre de l’indépendance ; ces derniers ont rendu de grands services à leur patrie, ils ont combattu avec courage et long-temps contre les Espagnols, ils ont véritablement conquis la liberté. Il y a eu parmi ces officiers des hommes d’un grand mérite ; maintenant ils vivent retirés, gémissant en secret sur l’état d’abjection où est tombé leur malheureux pays. Autant on doit conserver d’estime et de vénération pour ces vétérans de l’honneur et de la liberté, autant on doit avoir de pitié pour ces nouveaux parvenus, qui ne doivent leurs grades et leurs dignités qu’aux désordres et aux révolutions dont ils ont été les moteurs ; fanfarons de bravoure, qui n’ont jamais trempé leur épée que dans le sang de leurs concitoyens. C’est dans cette dernière catégorie qu’il faut ranger le général Santa-Anna, président actuel de la république. En Europe on parle beaucoup de cet homme, on se plaît à voir en lui un héros, un nouveau Bolivar : on se trompe singulièrement sur son compte. Ce n’est qu’après dix révolutions qu’il a pu arriver au rang suprême ; et ces révolutions n’ont pas été le résultat de son patriotisme et de son courage, mais le fruit de ses perfides machinations. Comme militaire, il n’a ni talens ni bravoure ; il a toujours été battu, à Oajaca, par le général Rinçon ; à Vera-Cruz, par Calderon ; à Coralfalso, à Puebla, il eût été exterminé, si l’ennemi qui l’avait vaincu avait su profiter de la victoire ; il n’a échappé à un désastre complet que par l’inhabileté de ses adversaires. Nous disons qu’il n’est arrivé au rang suprême qu’à force de susciter des troubles politiques ; en effet, c’est lui qui a, pour ainsi dire, mis à la mode ces interminables révolutions qui désolent son pays. La première qu’il excita fut contre Iturbide, son bienfaiteur, qui l’avait tiré de la foule. Il s’était fait un grand nom et la réputation d’un habile capitaine par la prétendue défaite des Espagnols à Tampico ; mais il est à