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LES RÉPUBLIQUES MEXICAINES.

prisons, et les détenus vont grossir le nombre des recrues. Ces recrues ainsi amalgamées sont enfermées dans des casernes, d’où elles ne sortent, pendant un espace de six mois, que pour balayer les rues et pour aller à l’exercice, qu’on leur apprend à grands coups de bâton. Cet apprentissage terminé, on leur fait endosser le fourniment, et on leur laisse un peu plus de liberté ; mais une partie ne manque pas d’en profiter pour déserter, et cela presque toujours impunément ; car la république n’a pas de gendarmes pour les mettre à la recherche des réfractaires et poursuivre les déserteurs. C’est probablement une des raisons pour lesquelles un régiment n’est jamais au complet ; on ne compte guère que trois cents hommes par régiment. En somme, l’armée mexicaine est très peu nombreuse ; elle ne se compose que de sept à huit mille hommes au plus. Mais si elle a peu de soldats, on ne compte pas moins de vingt mille officiers sur les registres de l’état, tant en activité qu’en retraite, et tout ce luxe d’état-major est alimenté par la nation.

En campagne, les armées belligérantes ne sont jamais nombreuses, car dès que le soldat sent la poudre, il jette ses armes et déserte en bien plus grand nombre encore et avec bien plus de facilité qu’en temps de paix. Une réunion de quatre cents hommes en armes forme une division. S’il y a deux mille combattans, c’est une grande armée d’opérations. Or, dans cette grande armée, il se trouve toujours au moins un millier de femmes, car le Mexicain ne marche jamais sans être suivi de sa femme. Après trois ou quatre mois de préparatifs, si la collision devient inévitable, la grande armée d’opérations s’ébranle et marche à l’ennemi. Cet ennemi n’est autre chose qu’une bande de révoltés, car, jusqu’à présent, les Mexicains n’ont eu d’autres ennemis qu’eux-mêmes. Si le parti qu’on va attaquer est encore à une centaine de lieues, on reste deux ou trois mois en marche, et quelle marche ! ou plutôt quel désordre ! Enfin, on arrive en présence. Là, aucune disposition stratégique, aucune de ces manœuvres que conseille la prudence et qui dénotent l’habileté d’un chef. Du plus loin qu’on s’aperçoit, on se provoque de paroles et d’injures. Vengan, cobardes, alcahuetes, chibatos ! Venez, crie-t-on à l’ennemi, venez, lâches ! Celui-ci répond sur le même ton, si bien qu’avant de s’attaquer les armes à la main, les combattans préludent par une scène de nos boulevarts en carnaval. À la fin, on se décide à échanger quelques coups de fusil, mais à une dis-