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cuniaire, se vendit pour 20,000 piastres, lui et les siens, au parti du général Santa-Anna qui avait levé l’étendard de la révolte. Le marché conclu, on porta au général vendu un à-compte de 12,000 piastres ; le soir même, il les joua avec ses officiers et les perdit. Alors il fit déclarer au général Santa-Anna, que s’il ne lui envoyait pas de suite les 8,000 autres piastres, il allait repasser du côté du gouvernement. On s’empressa de le satisfaire, car sa trahison devait porter un coup mortel au président Bustamente dont el immortal Santa-Anna voulait prendre la place. Nous tenons ces détails de l’agent même chargé de négocier cette honteuse transaction.

Du côté de la bravoure, les porteurs d’épaulettes mexicains ne sont guère plus recommandables que du côté de la moralité, de l’instruction et de la capacité. Quand l’officier mexicain sort de la ville pour aller guerroyer, et rétablir sur quelque point el imperio de las leyes, il s’arme d’un sabre, ou, pour être plus juste, il s’attache à un sabre dont la longueur démesurée produit l’effet le plus bizarre ; il porte, en outre, une lance dont le fer est assez long pour enfiler trois hommes de suite. Arrivé au lieu du combat, chaque officier crie à ses soldats : Adelante, muchachos ! en avant, enfans ! Mais en même temps ils ont grand soin de se garantir des projectiles meurtriers, soit en se couchant à plat ventre, pour offrir moins de surface aux balles ennemies, soit en se cachant prudemment derrière quelque abri protecteur. D’ailleurs, il est de règle générale que chaque officier emmène avec lui son bon cheval, moins pour s’épargner une partie des fatigues de la campagne, que pour s’aider à se tirer de la bagarre, si l’affaire devient trop chaude. Tels sont les chefs de l’armée mexicaine, los heroes, los imortales, dont les panégyriques remplissent les colonnes des journaux du pays ; le plus souvent les journaux d’Europe se font les échos complaisans de ces louanges ridicules.

Par les chefs on peut juger des soldats. Il n’y a, au Mexique, ni conscription, ni mode de recrutement déterminé par une loi, ni engagemens volontaires. On trouve bien des milliers de citoyens qui consentent volontiers à servir la patrie en qualité de colonels ou de généraux ; mais personne ne se soucie d’être simple soldat. Quand l’armée de la république a besoin de se recruter, on ramasse de force tous les vagabonds et gens sans aveu qui se rencontrent ; quelquefois, si le nombre est insuffisant, on ouvre les