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mière nouvelle des évènemens qui avaient décidé la reine à reconnaître et faire proclamer la constitution, les autres après avoir opposé une certaine résistance, et non sans avoir provoqué de la part des populations quelques démonstrations assez hostiles. Il en reste encore, et quelques-unes n’ont fait que se transformer en municipalités constitutionnelles ou juntes d’armement et de défense. Mais toutes auront consommé en pure perte des ressources précieuses, et il y aura eu cette fois, comme l’année dernière, bien des concussions sur lesquelles il faudra que le gouvernement ferme les yeux, quoiqu’il ait demandé compte à ces autorités, dans le délai de soixante jours, de leur administration et des fonds publics qui leur ont passé par les mains. Elles ont toutes réussi, par divers moyens, à se procurer des sommes relativement assez fortes ; la junte de Grenade a frappé d’une contribution énorme et payable en deux heures les propriétés des individus carlistes, absens ou présens : celles du duc de Wellington, par exemple, ont été taxées à 75,000 francs, c’est-à-dire, assure-t-on, au revenu de toute une année ; M. Martinez de la Rosa s’est vu aussi ranger au nombre des carlistes, et imposer comme tel à une somme considérable. Il est vrai que ces extravagances, relevées par toutes les injustices qui accompagnent nécessairement le triomphe passager d’une minorité, ont fini par soulever la garde nationale, qui a chassé la junte. Cette corporation avait été installée par une colonne propagandiste sortie de Malaga, et qui s’est avancée en faisant la révolution partout, jusqu’aux défilés de Despegnaperros, où devait se réunir l’armée d’Andalousie pour marcher ensuite sur Madrid.

Les juntes de Malaga et de Cadix ont battu monnaie en prenant certaines mesures douanières dont le commerce anglais a profité. Celle de Malaga, qui, aussitôt après la révolution du 26 juillet, eut besoin d’argent pour l’expédition que nous venons de rappeler, fit d’abord vendre, à 50 pour 100 de rabais, une forte partie de sel qui était dans les magasins de la ville, opération dont quelques spéculateurs seulement ont réalisé le bénéfice ; ensuite, cette première ressource étant épuisée, elle imagina de permettre, pour quinze jours seulement, l’introduction de marchandises anglaises prohibées, sauf acquittement d’un droit assez léger. Il arriva aussitôt de Gibraltar une masse prodigieuse d’étoffes anglaises et autres produits, qui ont inondé, par Malaga, tout le midi de l’Espagne, et resserré d’autant, pour quelques mois, le débouché des manufactures de la Catalogne. Jamais l’Angleterre n’a oublié, dans les troubles de la Péninsule, les intérêts de son industrie, et elle poursuivait sous M. Mendizabal un traité de commerce dont il est fort possible qu’elle songe maintenant à reprendre la négociation, à la faveur de la position que lui ont faite les derniers évènemens.