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REVUE. – CHRONIQUE.

Pendant que le ministère promulgue des décrets pour renforcer les armées d’opération, celles qui existaient se dissolvent de toutes parts. Un très grand nombre d’officiers ont quitté leurs corps, ou chassés par leurs soldats, ou parce qu’ils ne veulent plus servir ; les soldats eux-mêmes, qui depuis long-temps ne sont pas payés, retournent dans leurs foyers, et c’est l’histoire du tonneau des Danaïdes. On a vu des armées se battre et gagner des batailles, sans habits, sans souliers, sans solde ; mais ces armées-là étaient soutenues par une grande passion, par un sentiment très fort, par une exaltation profonde et vraie. Don Carlos ne serait plus en Espagne, et ses lieutenans ne paraîtraient pas à la fois aux portes de Valence, de Saragosse et de Madrid, s’il y avait eu dans les armées espagnoles quelque chose de pareil pour les faire marcher en avant, à défaut de solde régulière, d’habits et de munitions.

M. Egea, qui occupe par intérim le ministère des finances, a trouvé les caisses publiques absolument vides, et l’un de ses premiers soins a dû être de songer à les remplir. On a décrété à cet effet un emprunt forcé ou contribution extraordinaire de 200,000,000 de réaux (50,000,000 de fr.), qui sera répartie sur toutes les propriétés par les administrations locales, et qui ne peut manquer de conduire bientôt à un système d’assignats ou papier quelconque, représentant la valeur des biens nationaux à la disposition du gouvernement. Mais comme le travail de répartition ne sera terminé que dans un mois au plus tôt, et qu’il faut de l’argent pour subvenir à des besoins d’une urgence extrême, le ministère s’est adressé aux citoyens, et leur a demandé des avances sur la contribution extraordinaire. Nous ne savons trop quelles ressources produira l’emprunt forcé, parce qu’il y aura souvent impossibilité absolue de recouvrement ; mais tout le poids en tombera nécessairement sur quelques grandes villes, déjà écrasées, où le commerce est anéanti, comme Barcelonne, Cadix, Valence, Séville, Malaga, et plusieurs autres, et il fera au gouvernement beaucoup d’ennemis, ce qui, pour être un mal inévitable, n’en est pas moins un grand mal. Quant à la vente des biens du clergé, elle ne pourra se faire qu’à des conditions de perte énorme pour le trésor, et elle est impossible dans toutes les provinces qui sont sillonnées de partis carlistes.

Ce décret, celui d’un appel de cinquante mille hommes sous les armes, celui qui mobilise une partie de la garde nationale et la réunit au chef-lieu de la province, un décret qui porte que les lois des deux époques constitutionnelles auront besoin, pour être remises en vigueur, d’une ordonnance spéciale à chacune d’elles, ont mécontenté la presse et donné lieu de reprocher au ministère sa mollesse et sa timidité.

Cependant plusieurs juntes insurrectionnelles, et de celles qui faisaient le plus de bruit, se sont dissoutes, les unes de fort bonne grâce, à la pre-