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théories anglaises, qui, d’ailleurs, n’ont encore eu de leurs princes ni octroi ni consentement, ne se rappellent et ne conçoivent que deux systèmes possibles de gouvernement : ou le despotisme pur, tel que l’ont fait les princes de la maison d’Autriche, tel que l’ont perfectionné ceux de la maison de Bourbon, et dont Ferdinand VII a joui seize années durant ; ou le pouvoir populaire, exercé par une assemblée gouvernante, tel que l’ont possédé les anciennes cortès jusqu’à Charles-Quint, et les cortès modernes de 1812 et de 1820. Toutes ces subtiles distinctions sur le jeu et la pondération des pouvoirs sociaux ne sont pas à leur portée ; ce qu’ils ont vu et voient clairement, c’est qu’entre les deux principes contraires, il n’est point d’accord possible, et que l’un doit triompher de l’autre. Pas de milieu : l’Espagne doit avoir ou l’absolutisme avec don Carlos, ou l’antique liberté avec la constitution rajeunie. Son choix est à faire.

Jusqu’à présent j’ai raisonné en quelque sorte par abstraction, comme si l’Espagne n’avait qu’à choisir, dans le repos et la paix, le meilleur moyen de se constituer. Mais une guerre civile acharnée, impitoyable, atroce, la désole depuis bientôt trois ans. Il faut que cette guerre ait un terme. C’est la troisième face de la question.

Qu’on envisage cette lutte sanglante comme une guerre de succession, ce qui est faux, ou comme une guerre d’indépendance soutenue par les provinces soulevées pour la conservation de leurs franchises, ce qui est vrai ; toujours est-il que le juste-milieu espagnol n’a pu ni la terminer, ni même en promettre la fin. Malgré le traité de quadruple alliance, malgré la coopération plus ou moins utile et sincère de ses trois alliés, il a vainement usé, devant les montagnes de la Navarre, ses trésors et ses armées, ses négociateurs et ses généraux. N’est-il pas juste d’espérer que l’élan imprimé par les juntes provinciales, par la proclamation instantanée de la constitution, ira se communiquer à l’armée, doublera sa force numérique et sa force morale ? N’est-il pas juste d’espérer que des rangs de cette armée sortira, comme des bataillons volontaires de la république française, quelque nouveau Hoche pour vaincre et pacifier cette nouvelle Vendée ? Le général San-Miguel avait raison, lorsqu’en se soulevant, le premier des chefs établis, il disait aux Aragonais : « Jusqu’à ce jour nous étions sans drapeau ;