Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/767

Cette page a été validée par deux contributeurs.
763
DE L’ESPAGNE.

vrer le cabinet français du seul obstacle sérieux qu’il trouvât à nous tendre la main ; de telles mesures, prises avec sagesse, exécutées avec bonne foi, doivent sauver toutes les apparences, doivent laisser, à vous le respect du principe que vous avez posé, à nous les moyens de conquérir par nos seuls efforts une patrie et la liberté. »

Malgré ces démarches, malgré les remontrances de Lafayette, auxquelles un jeune prince s’associait noblement et chaudement, l’ordre d’interner fut signifié aux libéraux espagnols réunis à la frontière, et l’on donna l’odieux spectacle d’hommes estimables, l’élite d’un peuple, ramenés par les gendarmes à travers la France, comme si Ferdinand VII les eût envoyés aux présides d’Afrique.

Ici commence une seconde ère, et la révolution espagnole, enchaînée en France et par la France, apparaît, se développe et grandit dans l’Espagne elle-même. On sait la mort de Ferdinand VII, qui disait de lui-même : « Je suis le bouchon de la bouteille de bière ; quand je sauterai, tout sautera. » On sait les évènemens de Saint-Ildefonse, l’avènement de Christine à la régence, les essais de despotisme éclairé tentés par M. Zea, sa chute, et l’apparition aux affaires du premier ministre sorti de l’émigration espagnole. M. Martinez de la Rosa, appelé à diriger l’administration nouvelle, et passant ainsi sans intervalle de la proscription au gouvernement, disait à ses amis : « Ma mission sera courte ; je dois conduire l’Espagne du despotisme soi-disant éclairé de mon prédécesseur à la réunion des représentans du pays. Les cortès assemblées, je leur remets le soin des affaires, et mon rôle est fini. » M. Martinez de la Rosa comprenait alors la situation de l’Espagne, et se rendait justice. Il était, en effet, l’homme d’une transition. Son statut royal, loin d’être une constitution, comme on paraît le croire, n’est qu’un décret pour la convocation des cortès générales du royaume. Mais M. Martinez de la Rosa, et son successeur, M. de Toreno, tous deux hommes de tête, de savoir et de mérite, l’un d’une droiture inaltérable, mais un peu obstinée, l’autre d’une habileté plus souple et plus réelle, se sont laissé abuser par les conseils et les promesses de la politique française. Les notes diplomatiques, comme les autographes de famille, disaient tous invariablement : « Restez où vous êtes, ne cédez plus rien ; si les ré-