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sion que la guerre civile avait prise et du bouleversement qui en était partout la suite ; mais il comprenait la force des raisons qui avaient déterminé la conduite de ses alliés, et il partageait leur espoir. Malheureusement il y avait déjà scission dans le conseil sur l’étendue de la coopération ; le plan de M. Thiers rencontrait des obstacles imprévus, tout était remis en question.

Les mouvemens de Sarragosse et de l’Andalousie, ainsi que la fermentation des armées, étaient déjà connus quand la crise ministérielle a commencé, et sans doute ces évènemens ont contribué à ranimer de hautes répugnances, toujours vaincues à grand’peine, pour l’adoption d’une marche plus décidée à l’égard de l’Espagne. Le chiffre du contingent destiné à renforcer le corps français au service de la reine était resté dans le vague ; il s’agissait de le fixer définitivement, puisque déjà on avait sous la main un grand nombre de volontaires, et que l’organisation provisoire faisait de rapides progrès. Il s’agissait aussi du choix d’un général, afin de lui donner immédiatement ses instructions, de régler le plan d’opérations, et d’établir, par une convention formelle avec le gouvernement espagnol, les rapports de toute espèce que ce général aurait avec lui, avec le commandant en chef de l’armée du Nord, les autorités locales, les habitans du pays insurgé. C’est à l’occasion de ces deux points, sur lesquels on ne pouvait plus différer de s’entendre, que se sont manifestés les premiers symptômes d’un grave et profond dissentiment.

Deux systèmes se trouvèrent dès-lors en présence, et ont continué depuis à partager le conseil jusqu’à la séance du 25, à l’issue de laquelle six des ministres présens à Paris se sont trouvés dans un camp, et le septième dans l’autre. Celui qui semble avoir triomphé est le système d’une neutralité absolue, d’une observation toute passive, d’un abandon complet de l’Espagne ; si le second avait prévalu, en suspendant l’exécution des mesures prises pour le recrutement, car on était d’accord sur ce point, on aurait conservé à tout évènement une attitude menaçante contre don Carlos ; on n’aurait pas annoncé au parti libéral espagnol que désormais la France laisserait le champ libre à une restauration ; on aurait évité de donner au parti carliste une impulsion morale qui pouvait servir sa cause, et exaspérer la révolution à Madrid par le désespoir, car voilà exactement où les choses en étaient lors de la dissolution du ministère.

Nous avons passé sur les conflits intermédiaires ; ce n’est pas qu’ils manquent d’importance, mais nous tenions à établir d’abord quelle était la véritable question agitée dans le conseil. Quant aux incidens de la crise ministérielle, ils n’ont, pour ainsi dire, qu’une valeur apparente, et nous ne les regardons que comme les indices qui trahissaient la lutte de deux systèmes. Ainsi, quand le Journal de Paris déclarait, après les évènemens de Saint-Ildefonse, « que la France ne portait pas un intérêt moins vif à la cause de la reine ; » cela voulait dire que la majorité du conseil conservait l’espoir et se croyait toujours dans l’obligation de raffermir son trône ébranlé, s’il n’y avait à le défendre que contre don Carlos. L’autre partie du conseil répondait à cette opinion par quelques mots insérés au