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REVUE LITTÉRAIRE.

put rassembler, et les fit passer en Angleterre. Il n’en resta chez nous que ceux qui se trouvaient alors confiés à des savans. Il n’est donc pas exact de reporter à la Tour de la Librairie, comme on l’a fait souvent, l’origine de la grande bibliothèque qui est aujourd’hui une des richesses nationales. Mais il reste à Charles V le mérite incontestable d’avoir sécularisé la science, en ouvrant un lieu d’étude pour les lettrés qui n’avaient pas l’accès des bibliothèques monacales. Il voulut même, par une libéralité qui contracte avec l’étroite discipline des établissemens modernes, qu’on entretint dans les salles trente petits candélabres et une grande lampe d’argent, afin qu’on y pût travailler à toute heure.

L’éditeur, M. Van Praet, qui, comme bibliothécaire, a été lui-même un des plus recommandables successeurs de Gilles Mallet, s’est contenté d’ajouter de courtes notes bibliographiques aux manuscrits qu’il a découverts. On désirerait encore une table systématique qui permît d’apprécier la direction intellectuelle du xive siècle. Les deux catalogues, faits successivement, fournissent ensemble 1,236 ouvrages, inscrits au hasard et sans autre règle que celle de leur arrangement au Louvre. Ce nombre est réellement réduit, par de fréquentes répétitions, surtout dans la liturgie et les livres de piété. Quoique le roi fût capable de comprendre les textes latins, il n’a guère rassemblé que des traductions. Plusieurs de celles qu’on a faites par son ordre font époque dans l’histoire de la langue française, et notamment la Cité de Dieu de saint Augustin, commencée en 1371 par Raoul de Presles. Les autres classiques de cette bibliothèque sont Ovide en rimes, par Philippe de Vitry, la Politique et les Économiques d’Aristote, par Nicolas Oresme, la Géométrie d’Euclide, quelques livres de Sénèque, le Fait des Romains (traduction de Suétone), Valère Maxime, Boëce, et le grammairien Donat. Point de livres de droit, après le Digeste et les Décrétales. Une chronique espagnole et les voyages en Orient du Vénitien Marco Polo sont les seuls documens relatifs aux pays étrangers. Les romans chevaleresques tiennent lieu d’histoire nationale. La philosophie est représentée par Pierre Lombard, Thomas d’Ain et Albert-le-Grand. La section des sciences est relativement la plus riche ; elle possède quelques-unes des compilations encyclopédiques célèbres au moyen-âge : le Trésor de Brunetto Latini, dont une édition a été préparée par ordre de Napoléon ; plusieurs exemplaires, tant en latin qu’en français, du Grand miroir historial, composé au xiiie siècle par le dominicain Vincent de Beauvais, et l’un des premiers livres imprimés à Paris deux siècles plus tard. On remarque aussi les recueils d’histoire naturelle connus sous les noms de Bestiaires et de Lapidaires, un grand nombre de livres sur l’astrologie et les sciences occultes ; enfin, plusieurs livres de médecine, traduits de l’arabe, à l’exception d’un traité origi-