Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
IL NE FAUT JURER DE RIEN.

VALENTIN.

Oui, j’ai envie de prendre ce bouillon qui est là-haut ; il faut que j’écrive ; je vous reverrai à dîner.

VAN BUCK.

Écrire ! J’espère que ce n’est pas à elle que tu écriras.

VALENTIN.

Si je lui écris, c’est pour notre gageure. Vous savez que c’est convenu.

VAN BUCK.

Je m’y oppose formellement, à moins que tu me montres ta lettre.

VALENTIN.

Tant que vous voudrez ; je vous dis et je vous répète qu’elle me plaît médiocrement.

VAN BUCK.

Quelle nécessité de lui écrire ? Pourquoi ne lui as-tu pas fait tout à l’heure ta déclaration de vive voix, comme tu te l’étais promis ?

VALENTIN.

Pourquoi ?

VAN BUCK.

Sans doute ; qu’est-ce qui t’en empêchait ? Tu avais le plus beau courage du monde.

VALENTIN.

C’est que mon bras me faisait souffrir. Tenez, la voilà qui repasse une troisième fois ; la voyez-vous là bas, dans l’allée ?

VAN BUCK.

Elle tourne autour de la plate-bande, et la charmille est circulaire. Il n’y a rien là que de très convenable.

VALENTIN.

Ah ! coquette fille ! c’est autour du feu qu’elle tourne, comme un papillon ébloui. Je veux jeter cette pièce à pile ou face, pour savoir si je l’aimerai.

VAN BUCK.

Tâche donc qu’elle t’aime auparavant ; le reste est le moins difficile.

VALENTIN.

Soit ; regardons-la bien tous les deux. Elle va passer entre ces deux touffes d’arbres. Si elle tourne la tête de notre côté, je l’aime, sinon, je m’en vais à Paris.

VAN BUCK.

Gageons qu’elle ne se retourne pas.

VALENTIN.

Oh ! que si ; ne la perdons pas de vue.