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fort contestables. Quelques phrases empruntées aux historiens anciens sur les sociétés égyptiennes et celtiques ne peuvent donner que des notions fausses, lorsqu’elles ne sont pas redressées par une critique intelligente. Les fictions poétiques que les scoliastes ont grossièrement systématisées sous le nom de mythologie, n’ont pas l’importance d’un véritable code religieux. Il fallait éviter du moins de présenter comme législateur Orphée, dont les poésies sont apocryphes, et dont l’existence même est niée par Aristote et Cicéron. Mais si M. Anot paraît étranger aux travaux qui, chaque jour, dévoilent quelques-uns des mystères du monde oriental, il a puisé aux bonnes sources pour le christianisme et les schismes qui en dérivent, tels que la communion grecque, le mahométisme et les sectes protestantes. Nous citerons comme particulièrement intéressant le tableau des traditions répandues sur la terre relativement à la chute de l’homme et à sa rédemption, ainsi que ceux où sont comparées les cérémonies qui consacrent les principaux termes humains, la naissance, la puberté, le mariage, la mort.

Quant aux feuilles qui exposent les devoirs prescrits à l’homme par les différentes révélations, elles soulèvent des objections graves. Un précepte cité par Platon ou par Sénèque ne peut pas être accepté comme l’expression fidèle d’Osiris ou de Numa. Il n’a pas plus d’autorité que toute autre phrase proverbiale ; en second lieu, ces maximes transmises par la bouche des sages ne pouvant que recommander les actions louables, on donnerait à penser que toutes les croyances ont une égale valeur en pratique : supposition absurde et insoutenable. La véritable moralité d’une religion ne doit pas être appréciée par les prescriptions qu’elle adresse à l’individu, mais par la puissance qu’elle déploie pour transformer l’individu lui-même, par les sentimens et les idées que ses dogmes engendrent, par la voie plus ou moins noble qu’elle ouvre à l’activité humaine.

C’est à ce point de vue que M. Auguste Boulland s’est placé pour comparer dans un Essai d’histoire universelle[1] les traditions de tous les peuples depuis les temps primitifs jusqu’à nos jours. Son livre atteste du savoir, de longues et épineuses recherches, d’excellentes intentions, et cependant nous craignons qu’il ne soit pas récompensé par le succès de la tâche immense qu’il s’est imposée. Au lieu de laisser parler les textes originaux dans une version simple et littérale, il a cédé à la malheureuse pensée de faire du style : les matériaux les plus précieux, enluminés de sa main, sont devenus méconnaissables. Quand il s’agit des principes sociaux, les témoignages de la tradition ne sauraient être trop formels. Une para-

  1. vol. in-8o, librairie de Paulin, rue de Seine, 33.