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M. Eichhoff résume dans son introduction cette théorie des migrations, qu’on pourrait appeler l’histoire des temps anté-historiques : il le fait avec beaucoup de réserve, et nous dirons, au risque d’être indiscrets, avec une coquetterie de style, qui a quelque peu scandalisé les érudits de profession. Il faut lui savoir gré de n’avoir pas donné carrière à son imagination, en formulant un système absolu d’ethnographie. La science qui prétend diviser l’humanité en familles naturelles en est encore aux conjectures. Les deux méthodes qu’elle a employées jusqu’ici n’ont donné que des résultats contradictoires, et l’une n’est pas plus que l’autre à l’abri des objections. À celle qui distingue les races d’après les caractères physiologiques, on peut répondre que souvent les populations ont changé d’aspect, et qu’on n’a pas encore décidé jusqu’à quel point un régime physique et moral, suivi pendant un nombre de générations, peut modifier l’organisme. L’autre méthode, qui prononce sur l’affinité des peuples par la comparaison de leurs langages, est quelquefois trompeuse. Une race subsiste, son idiome disparaît. Par exemple, la race ibérienne, aujourd’hui répartie entre les peuples de langues romanes, n’aurait-elle pas été rattachée comme ceux-ci à la souche indienne, si son curieux idiome, le basque, ne se trouvait pas miraculeusement conservé dans les gorges des Pyrénées, pour témoigner de son origine sémitique. Ces remarques ne sont pas dirigées contre l’ethnographie elle-même, mais contre ceux qui pourraient ruiner une science naissante, en lui empruntant des résultats hasardés : et nous avons voulu féliciter un habile grammairien d’avoir établi un fait grammatical, sans tomber dans le travers de certains savans, qui se hâtent de rattacher les destins de l’humanité entière au point unique qu’ils ont éclairci.

Les travaux historiques continuent d’être en faveur : les récits originaux sont collationnés et reproduits ; on fouille les archives ; on déblaie les ruines. Aux monumens humains, on demande des témoignages du passé ; aux sciences naturelles, les faits organiques qui sont de tous les temps. Les diverses écoles sont à l’œuvre. La lourde érudition, qui se nourrit de livres dépecés, heurte l’hypothèse, assez creuse pour l’ordinaire. Sans doute ce mouvement des esprits, qu’on appelle un retour aux études graves, annonce avant tout un revirement de la mode littéraire. Parmi les entrepreneurs de narrations, nous reconnaîtrions, à coup sûr, des gens qui faisaient le roman il y a peu d’années, comme ils eussent fait de la philosophie sous Diderot, ou, Delille régnant, de la poésie descriptive. Du moins l’activité engagée en cette direction ne sera pas